Artborescience S2 ep1 : Corps, esprit et conscience avec Westworld

Artborescience S2 ep1 : Corps, esprit et conscience avec Westworld

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Cet épisode a été diffusé le mercredi 7 octobre à 17h, sur Radio Campus Clermont-Ferrand, 93.3.

♪♪♪ Générique sur « If The Stars Were Mine »

Artborescience…
Grand-Mère Feuillage, j’aimerais te poser une question… (extrait Pocahontas de Disney)
Les êtres qui… nous ont conduits ici… Ils communiquent… Au moyen de la gravité, non ? (extrait Interstellar de Christopher Nolan)
– Qu’est-ce que c’est, cette théorie du chaos ? Qu’est-ce que ça signifie ? (extrait Jurassic Park de Steven Spielberg)
ça fait deux questions !
MAIS ils savent PAS communiquer ! Si ça se trouve ils sont encore en train de faire joujou avec leurs ordinateurs sans s’occuper de leur cerveau…  (extrait La Belle Verte de Coline Serreau)
– Artborescience : arts, sciences, nature et pop culture !

Bonjour à toutes et tous ! Je suis heureuse de vous retrouver pour cette deuxième saison d’Artborescience, dont les épisodes seront diffusés cette année à 17h, toujours les premiers mercredis du mois.
Cette deuxième saison sera entièrement consacrée aux rapports entre esprit et matière, entre corps et psychisme.
Elle démarrera posément, dans ce premier épisode, avec l’ambiance western de Westworld.
Elle explorera ensuite, sur plusieurs épisodes, des mondes cyberpunk avec Altered Carbon, Gunnm, Ghost in the Shell et bien d’autres.
Elle quittera enfin les froids couloirs cybernétiques pour chevaucher des daemons et des anges qui voyagent entre les mondes, avec la saga His Dark Materials – à la croisée des mondes.

♪ tapis : Manu Dibango et Cuaterto Patria, ʺQuizas, quizas, quizasʺ, Cubafrica

Le thème de cette saison prolonge le fil de la théorie de l’émergence, thème central de la saison 1. Nous avons vu, avec le neuropsychiatre Antonio Damasio, comment l’esprit émerge chez les êtres vivants.
Ce premier épisode fait office d’introduction en posant ce que l’on entend par corps, par esprit et par conscience.
Cette quête dans le dédale de l’esprit et de la conscience offrira un prolongement à la réflexion de la première saison (épisode 4) sur les lacunes des androïdes de Philip K. Dick et sur les souffrances des Réplicants de Blade Runner.

Avec la série Westworld, nous nous interrogerons sur la réalité polymorphe que couvre l’idée de conscience.
Dans le deuxième épisode, les piles d’Altered Carbon impulseront des questionnements qui nous amèneront à dessiner diverses conceptions des rapports entre l’esprit et le corps, issues de notre longue histoire philosophique et des théories et conjectures scientifiques récentes.

Je commencerai tout de même par évoquer rapidement Altered Carbon avant de prendre mon grand détour par Westworld (puis de revenir à Altered Carbon dans l’épisode 2). Car c’est cette série, vue avant et après le confinement, qui m’a donné l’envie de traiter le thème corps-esprit sur la saison entière, en me replongeant dans d’anciennes lectures et en m’incitant à défricher de nouveaux sentiers de réflexion.
Voici donc un extrait de la série Altered Carbon.

Image de générique de Altered Carbon.
La femme ailée ceinte d’un serpent évoque
la carte Le Monde du Tarot de Marseille
(The Universe du Tarot de Crowley)

Extrait : explications sur le fonctionnement de la pile, dans l’épisode 1 (verbatim à venir)
Vidéo YouTube avec la bande annonce : https://www.youtube.com/watch?v=Z8-omjgwntI

♪ tapis : Jeff Russo, « Altered Carbon Main Titles », Altered Carbon Soundtrack – Season 1 & 2

La série Altered Carbon, créée par Laeta Kalogridis et adaptée du roman de Richard Morgan, nous fait côtoyer une trans-humanité qui a essaimé parmi les étoiles. La colonisation d’autres systèmes solaires a été permise par la longévité multi-séculaire acquise par les individus. Cette longévité n’est pas celle des corps, mais celle de la mémoire, grâce à une invention issue de l’exploitation d’une technologie extraterrestre : la pile corticale. Cette pile corticale est censée pouvoir transporter – stocker – toute la personnalité, la mémoire, la conscience d’une personne. Elle est censée pouvoir stocker l’esprit d’un individu.  L’esprit de l’individu – ou du moins les données qui sont supposées composer son esprit – peut ainsi emprunter des corps différents. Les corps, appelés « enveloppes », peuvent être des corps inorganiques, ou des corps organiques humains, normaux ou augmentés. Ces enveloppes sont conçues comme des outils, des moyens de se manifester pour l’esprit est qui est stocké dans la pile.

Les données y sont stockées sous formes binaire. Ainsi, ce que les personnages prennent pour l’esprit est digitalisé pour être soit stocké, soit transféré d’un mode de stockage à un autre, et ces supports de stockage peuvent se situer dans des systèmes solaires différents. Dans la série, cette pile évoque un mini-cerveau : elle ressemble à un écrin métallique alvéolé retenant une matière translucide veinée d’un réseau bleu lumineux. Dans les livres, elle a l’apparence banale d’un tube métallique.

La pile corticale ne vieillit pas : l’esprit stocké y est donc immortalisé, d’une certaine manière. « L’esprit » n’est détruit que si la pile est détruite. Si l’enveloppe meurt, la pile peut-être récupérée et placée dans la nuque d’un autre corps… Ce corps peut être un clone de l’enveloppe d’origine, ou pas.

Une catégorie de la population échappe à la mort par destruction de la pile : ce sont les « maths » – « maths », pour « Mathusalem ». Il s’agit de la classe dirigeante et opulente du Protectorat. Les données de leur pile sont régulièrement sauvegardées dans des satellites. Ainsi, en cas de destruction de la pile d’un ou d’une math, les données sont transférées dans une nouvelle pile. Il ne manquera que les derniers souvenirs de la personne, ceux qui n’ont été enregistrés qu’après la dernière sauvegarde à distance… Mais cela ne trouble pas trop les personnages. Pour eux, l’idée d’immortalité et de continuité de leur être et de leur conscience, de sauvegarde de leur personnalité, de perpétuation de leur identité, est acquise. MAIS… nous verrons qu’il y a plein de mais.

La série soulève implicitement ces deux principales questions :
1 –  Qu’est-ce que l’esprit ?
2 –  Qu’est-ce l’identité d’une personne ? Et c’est peut-être finalement cette deuxième question qui se fait la plus lancinante, en lien avec la première si l’on choisit de définir la personne par son esprit.

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♪ tapis : Ennio Morricone, « Cheyenne », Il était une fois dans l’Ouest

Le corps

L’étonnant, c’est le corps, nous dit Gilles Deleuze dans ses cours. Avant l’esprit lui-même, le corps constitue déjà un mystère.

Le corps, c’est l’ensemble de notre organisme. Un corps vivant est une structure complexe qui se maintient – ou plutôt se renouvelle continuellement – en se nourrissant d’entropie négative, c’est à dire en extrayant de l’ordre du milieu environnant afin de conserver sa propre organisation.

Antonio Damasio décrit notre corps comme l’assemblage de deux mondes, apparus l’un après l’autre au cours de l’évolution. Il y a d’abord le vieux monde intérieur, celui des viscères et des muscles lisses qui tapissent les organes. Les muscles lisses fonctionnent d’une manière automatique, sans que la volonté intervienne.
L’autre monde intérieur, le plus récent, est constitué par le squelette et les muscles striés, volontairement actionnés. Les portails sensoriels sont incrustés dans ce nouveau monde.

Le système nerveux et le reste du corps, constitué par ces deux mondes, communiquent de manières diverses et chaotiques. Les informations captées par les portails sensoriels et les informations issues du nouveau monde intérieur communiquent par signalisation électrochimique. L’influx électrique nerveux se déplace le long des axones du neurone puis il est communiqué aux autres neurones, au niveau des synapses, par l’échange de neurotransmetteurs. Le long des axones, l’influx nerveux peut se déplacer à une vitesse allant de de 0.5 à 120 m/s. , selon que les axones sont gainés de myéline protectrice ou non, ou encore selon le diamètre de l’axone. Ces neurones sont entourés de cellules gliales de plusieurs sortes, qui remplissent différents rôles de protection, de maintenance, de soutien des neurones. Ces cellules représentent la moitié de volume du cerveau et un peu moins de la moitié en nombre de cellules. Certaines sont capables de libérer des neurotransmetteurs : une grosse couche de complexité en plus.

Il existe plusieurs sortes de neurotransmetteurs, ce qui module le signal. De plus, le cerveau baigne dans un environnement peuplé d’hormones et de neurohormones qui influencent la manière dont les neurones communiquent. Par exemple, l’ocytocine, vulgarisée comme la neurohormone de l’attachement,
Les neurones s’influencent aussi mutuellement par des champs locaux. La communication est rendue globale, d’une certainement manière, par les phénomènes d’oscillations, de synchronisations. L’activité du cerveau génère des ondes rythmiques. Différentes fréquences d’ondes cérébrales sont associées à des états globaux divers comme le repos, l’effort mental, l’assoupissement, le sommeil profond…  On est donc loin de l’image d’un cerveau constitué de neurones tout seuls qui fonctionneraient comme des transistors.

Le vieux monde intérieur, lui, communique également par des signaux électrochimiques mais aussi des signaux purement chimiques encore plus anciens. Des hormones du monde chimique peuvent jouer un nouveau rôle de neurotransmetteur dans le système nerveux central.

Antonio Damasio écrit que « le cerveau n’est pas un organe indépendant qui reçoit des signaux de type informatique. Les signaux ne sont jamais purement neuraux, et ils changent au fur et à mesure qu’ils s’approchent du système nerveux central qui peut lui-même répondre à ces signaux à différents stades, modifiant ainsi les conditions originales ayant initié ces signaux. » Dans ce système chaotique, on a des boucles rétroactives partout.

On se forme aussi des boucles et des nœuds dans l’esprit quand on se demande si je suis tendre et aimante parce que je sécrète de l’ocytocine, ou si je sécrète de l’ocytocine parce que je suis tendre et aimante… On se forme des boucles et des nœuds quand on se demande même si ça un sens de dire que l’esprit agit sur le cerveau, ou que le cerveau agit sur l’esprit, au point qu’on en vient à se demander si tout ça ce n’est pas la même chose, juste le fruit de tous ces nœuds de  rétroactions. Pourtant, ce n’est pas insensé de se poser ces questions puisque, quand on parle de l’esprit, on parle d’autre chose que du cerveau.

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L’esprit

♪ tapis : Claude Debussy, « Rêverie » (interprète perdu)

L’esprit, c’est notre psychisme. C’est l’entièreté de notre vie mentale, de nos processus mentaux. C’est l’ensemble de l’activité consciente et inconsciente.

L’esprit aurait émergé dès que les systèmes nerveux seraient devenus suffisamment complexes pour permettre à l’être vivant de générer des cartographies de son milieu, mais aussi un ressenti de son propre état. Les images du monde extérieur – les représentations analogiques du milieu – et les images du monde intérieur des émotions.

Ces images du monde intérieur de l’organisme, du monde des émotions, c’est ce que qu’Antonio Damasio nomme les sentiments.

Cette émergence de l’esprit, fruit de l’évolution des systèmes nerveux, Antonio Damasio la décrit dans son ouvrage « L’ordre étrange des choses ».

Le vieux monde intérieur, le « compartiment des viscères et de la chimie » comme le décrit Antonio Damasio, produit les émotions d’arrière-plan. Les images associées à la perception de ce vieux monde sont le bien-être ou le malaise ; la fatigue ou dynamisme… Ces images sont les composantes centrales des sentiments.

Le nouveau monde intérieur, lui, produit l’imagerie du corps dans son ensemble : c’est une étape cruciale dans l’édification de la conscience.

Nous avons vu, dans la saison 1, que l’intelligence ne se construit pas contre les émotions et les sentiments, mais avec… Puisqu’ils font partie des fondations de l’esprit et sont à l’origine de toute motivation.

Antonio Damasio comme Chritof Koch sont émergentistes : leur hypothèse de travail est que l’esprit et la conscience sont des propriétés émergentes de l’activité neuronale. Antonio Damasio, lui, insiste sur l’importance de l’inclusion de cette activité neuronale dans un corps vivant.
Chritof Koch écrit : « Notre approche suppose que les bases physiques de la conscience sont une propriété émergente des interactions entre les neurones et leurs éléments. Bien que la conscience soit compatibles avec les lois de la physique, elle ne découle pas directement de celles-ci. »

L’émergence implique que l’esprit ne peut pas exister sans ses soubassements physiques, MAIS cela implique aussi qu’il ne se réduit pas à ses soubassements. C’est le principe de l’émergence : tout est plus que la somme des parties. Les nouvelles organisations répondent à de nouvelles règles, elles inventent de nouveaux jeux.

Avec l’esprit, par rapport au cerveau physique, on monte d’un cran dans l’hyper-pyramide fractale de la complexité. On atteint encore un nouveau niveau d’organisation.

Pour désigner ce phénomène, de nombreux synonymes existent : esprit, psychisme, âme… Leurs origines traduisent des sens légèrement différents : spiritus, psyché, anima, pneuma… Ces termes peuvent désigner des entités diverses. Pour certain·es philosophes, sages ou théologiens, l’esprit, c’est bien plus que ce qui émerge du corps. C’est plus que l’activité mentale. L’esprit cache parfois des esprits. Nous déploierons tout cela… dans l’épisode 3.

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Des esprits et des consciences qui s’emboîtent et se télescopent… Y a de quoi faire.

La conscience

♪ tapis : Zoot Sims, « Low Life »

Selon leurs sens, esprit et conscience se recouvrent complètement ou partiellement ; ou plus précisément, tantôt il peut y avoir esprit sans conscience du tout, tantôt il peut y avoir esprit avec un peu de conscience de temps en temps, tantôt il y a conscience dès lors qu’il y a esprit…

Majoritairement, la conscience – ou en tout cas l’activité consciente – est conçue comme la partie émergée de l’iceberg psychique.

Au départ, il y a un constat qui fait plutôt consensus  : l’immense majorité des processus mentaux se déroule inconsciemment, et nombre de nos actes se font d’une manière inconsciente et automatique.
A partir de ce constat, on peut déjà envisager sous deux angles la partie inconsciente de l’esprit :
→ comme un inconscient qui serait un contenant rempli d’une myriades d’entités très diverses
→ comme un ensemble d’automatismes, des actes inconscients qui semblent préprogrammés
On a donc deux oppositions qui se dessinent déjà, et sur lesquelles on pourra fonder plusieurs acceptions de la conscience.

Considérons d’abord l’activité inconsciente comme constituée par un ensemble d’automatismes.

Ce que nous ne faisons pas consciemment, nous le faisons de manière automatique. Cet automatisme ne concerne pas que les simples réflexes physiques : l’énorme majorité de nos processus cognitifs sont automatisés, même des processus très complexes. Par exemple, quand j’écris cette phrase, je suis consciente du sens que je veux donner à ma phrase, mais la manière d’agencer les mots de ma phrase et d’agencer les lettres pour former les mots… tout cela est automatisé. Cela me permet de taper rapidement mon texte. Car, dans mon esprit inconscient, j’ai une myriades d’agents zombis que j’ai formés et qui travaillent pour moi, laissant ainsi ma conscience se diriger vers des tâches plus complexes, vers des tâches qui exigent de la créativité ou un nouvel apprentissage. L’apprentissage conscientisé, dans mon enfance, de la lecture, de l’écriture, des règles du français, puis l’entraînement tout au long de ma vie de ces compétences, ont permis de former une armée d’agents zombis efficaces. Je suis maintenant capable de ne même plus penser à tout cela en rédigeant mon épisode d’Artborescience : mon équipe zombie s’en occupe.

C’est le neuroscientifique Christoph Koch qui parle d’agents zombis dans son ouvrage « A la recherche de la conscience ».

Maintenant, considérons l’inconscient comme un ensemble plus vaste de contenus.

Pour Jung, l’inconscient préexiste à la conscience. La vie psychique commence avant le Moi et le conscient. L’inconscient est un vaste contenu psychique qui fait partie du Soi. Le Soi, c’est l’entièreté de l’individu et de sa vie psychique, avant même l’émergence de la conscience. L’inconscient ne s’arrête jamais, c’est un rêve permanent, ininterrompu, qui échappe à la conscience. L’esprit consiste essentiellement en cet inconscient.

Jung compare la conscience à un mince faisceau lumineux qui éclaire un tout petit nombre d’éléments de l’inconscient pour les faire connaître au Moi. Jung emploie aussi la métaphore de la conscience comme une toute petite île fragile, intermittente. Sur les plages de la petite île de la conscience, l’inconscient peut venir déposer certains contenus.

Ce vaste inconscient ne se réduit pas à un simple ensemble d’automatismes. Pour reprendre les choses globalement, on peut dire que l’inconscient contient des myriades d’équipes d’agents zombis, mais certainement pas que cela.

Pour reprendre des terminologies de la psychologie analytique, l’inconscient contient des archétypes. Il contient des rêves, qui brassent et assemblent des myriades d’images et de significations, en créant de nouvelles associations.
En dialogue avec la conscience, l’inconscient contribue au processus créatif. Nous verrons que la conscience joue un rôle central dans ce processus, mais le plus gros « quantitativement » (si on peut dire) se joue dans la trame d’opérations simultanées qui se déploie dans l’esprit inconscient.

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Peinture de C.G. Jung, illustration de son Livre rouge

J’ai vu à plusieurs reprises attribuées à John Stuart Mill, Herman Helmholtz et Henri Poincaré ces différentes étapes du processus créatif (ou processus d’idéation, qui permet de générer de nouvelles idées:)
→ l’identification d’un problème (qui passe donc pas la conscientisation d’un élément de réalité, qui peut déjà, en soi, procéder d’un point de vue original)
→ la saturation : On recherche consciemment des éléments de solution, on réfléchit… Puis on arrête d’y penser et on passe à…
→ L’incubation, quand l’inconscient prend le relai, jusqu’à…
→ L’illumination : la solution au problème ou la réponse originale surgit, depuis l’océan nocturne de l’inconscient, au soleil de la conscience. A posteriori, on peut rationaliser pour valider la solution en retraçant un raisonnement logique, mais les pensées ayant mené à la solution restent inaccessibles à conscience.

Julian Jaynes, dans son ouvrage « La naissance de la conscience dans l’effondrement de l’esprit [bicaméral] » (auquel nous nous intéresserons tout bientôt) distingue également ces trois stades du processus créatif : la préparation, l’incubation et l’illumination.

En vérité, les étapes ne sont pas distinctes dans le temps et les processus conscients et inconscients peuvent très bien se déployer simultanément.

La conscience permet d’introduire de nouveaux germes qui vont fleurir dans l’esprit inconscient. Les fruits surgiront ensuite à la conscience.

Ce lien entre inconscient, conscience et créativité dessine déjà une piste pour s’attaquer à la nature et aux fonctions de la conscience.

Nous allons suivre cette piste de la conscience qui comporte plusieurs étapes. Ces étapes correspondent à différents sens de la conscience. Différents, mais tous reliés. On va, en quelque sorte, aller de la conscience la plus primitive vers la plus sophistiquée.

Christof Koch parle de « sensation consciente ». Je pense qu’on peut le comprendre comme :
→ la sensation de sentir – et pas juste le fait de capter
→ comme la sensation d’être conscient.
Cela ouvre déjà la porte à deux définitions différentes de la conscience.

Non pas deux, je propose de dégager trois acceptions principales de la conscience. (Christoph Koch, quand il parle de la conscience dans son ouvrage « A la recherche de la conscience », embrasse tous ces sens différents.)

♪ tapis  : Dominique Fillon Trio, « Quiet The Cat »

1  – La conscience comme état d’éveil

L’un des sens courants, c’est l’état de vigilance et d’attention qui permet de réagir à des stimuli et, en allant plus loin, d’intégrer des expériences vécues.

Cette conscience, on la trouve de la même manière chez les humains et animaux non-humains dotés d’un système nerveux suffisamment sophistiqué – peut-être aussi sophistiqué que celui d’un ver.

Cette conscience n’est pas aussi facile à délimiter que sa définition verbale peut le laisser penser. Il peut y avoir conscience sans réaction visible. On peut être conscient·e sans avoir conscience du milieu extérieur et sans réagir aux stimuli extérieurs. On peut être conscient·e en dormant.

Je me sens souvent consciente quand je rêve. Quand je rêve, je perçois, je ressens ; j’éprouve des émotions et des sentiments ; je peux réfléchir, m’interroger, analyser des situations et prendre des décisions, ou du moins en avoir l’impression. Je peux même prendre conscience que je suis en train de rêver.

Et en effet, Christof Koch évoque le rêve comme un état conscient. Cela implique, selon lui, que « L’activité cérébrale est nécessaire et suffisante pour qu’il y ait perception », pour que l’individu ressente des qualia.

Il y a donc différentes manières d’être conscient·e. La méditation pleine conscience vise par exemple un état de conscience différent de la simple vigilance, différent du rêve… Elle vise à un état de conscience sans objet. Une sorte de conscience pure.

2 – La conscience phénoménale (= conscience-subjectivité, expérience intégrée)

C’est la conscience dans le sens « sensation de sentir ». On la trouve aussi de la même manière chez les humains et animaux non-humains dotés d’un système nerveux suffisamment sophistiqué.

C’est la définition de la conscience la plus large : le fait de sentir et de ressentir, de vivre une expérience, et de ne pas seulement réagir à des stimuli. C’est le fait de ressentir des qualia et de les intégrer à l’ensemble de l’expérience personnelle.

Les qualia, ce sont les éléments constitutifs de la conscience phénoménale. Ce sont le matériau de l’expérience subjective. Voir une lune blonde au-dessus de l’horizon, savourer un matcha latte, écrire ces mots en cet instant…
Qualia, quele au singulier, c’est du latin, et du genre neutre ; en français, on dit en général un quale, mais Christof Koch emploie le féminin.

Les qualia sont uniques. Il n’y a pas une quale identique à une autre, chez un même individu et encore moins entre deux individus. Une quale, c’est un quanta de vécu, et donc pas un quanta mais une quale : une partie de l’hétérogénéité qualitative du vécu.

Quand je vois la couleur bleue, mon expérience du bleu est toujours différente. Elle dépend de mes expériences antérieures associées au bleu, des expériences cumulées qui forment la signification personnelle que j’attache à cette couleur, ainsi qu’à un ensemble d’expériences qui ne sont pas directement liées à la couleur mais qui vont influencer tout de même l’expérience présente. Les contextes intérieur et extérieur sont toujours différents.

Les qualia sont toutes différentes et uniques, mais on peut envisager des proximités. Mes expériences du bleu se rapprochent sans doute plus de celles de mes contemporain·e·s que des expériences du bleu vécues par des personnes grecques ou romaines de l’Antiquité : pour elles, le bleu n’existait pas en tant que couleur à part entière. Il n’existait même pas de mot pour le nommer.

♪ tapis  : Ramin Djawadi, « Sweetwater », Westworld : season 1

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La série Westworld, créée par Jonathan Nolan (le frère de Christopher) et Lisa Joy, met la question de la conscience et des automatismes au cœur de ses enjeux. Westworld se déroule dans un futur proche. On ne sait pas grand-chose des évolutions de la société au début de l’histoire, car tout se déroule dans un parc à thème réservé aux personnes fortunées en quête de sensations fortes. Les clients, appelés visiteurs, s’immergent dans la reconstitution du Far West. Il s’agit d’une reconstitution physique, et pas d’un milieu virtuel. Ainsi, le rôle des personnages non joueurs est tenu par des robots extrêmement sophistiqués, crées pour se rapprocher au maximum des humains jusque dans leur intelligence artificielle. Ils font illusion physiquement mais aussi dans leur comportement…

Les visiteurs et visiteuses du parc, tout comme le personnel de Westworld qui s’en occupe, dénient à ces hôtes la capacité à ressentir, à vivre des qualia. Ils leur dénient la conscience phénoménale. Ainsi, les visiteurs se sentent autorisés à les tuer, les massacrer, les immoler, parce que ces humanoïdes artificiels ne ressentiraient rien : ils sont considérés comme de simples automates extrêmement réalistes, animés par des algorithmes très sophistiqués pour imiter les émotions sans qu’il n’y en ait réellement.

Pourtant, il s’avère que les hôtes sont conçus pour éprouver des émotions : du plaisir, de la douleur… Ils sont conçus pour ressentir et percevoir qu’ils ressentent. Ils sont conçus pour ressentir des qualia. A chaque fois que l’aventure de Westworld recommence, les hôtes oublient tout de ce qu’ils ont vécu, ils rebouclent pour rejouer leur rôle programmé et revivre les mêmes souffrances, les mêmes épreuves. Il ne sont pas conscients de leur boucle, mais ils n’en sont pas moins conscients de ce qu’ils vivent au moment où ils le vivent.

Antonio Damasio nomme cette conscience constituée de qualia la « conscience centrale » ou « conscience noyau ».
Cette conscience noyau, selon Damasio, semble exister dès lors que le psychisme émerge.

Cette conscience est susceptible de degrés. On peut supposer, à l’instar de Christof Koch, que la conscience « s’étend » ou « s’approfondit » ou se « sophistique » chez les espèces à mesure que le système nerveux se complexifie et se sophistique lui-même.

Pour C. Koch : « La conscience est nécessaire pour effectuer des tâches non automatiques qui demandent de manipuler l’information pendant plusieurs secondes. »

On peut la concevoir comme une capacité, latente ou manifestée, mais toujours là ; ou bien uniquement comme un processus intermittent. Elle est liée à l’attention, ou plutôt à l’orientation volontaire de l’attention. Mais l’attention ne suffit pas.

Pour C. Koch, la conscience a fonction de résumé, de synthèse, de hiérarchisation des informations. Sa perception est déjà le produit d’un filtre : on perçoit inconsciemment une multitude astronomique de choses, et on en perçoit consciemment qu’un minuscule fragment. La conscience est comme un chef pressé qui, dans l’urgence et dans un contexte inédit, demande à ce qu’on lui fournisse une synthèse claire, une appréhension globale d’une situation complexe afin de pouvoir prendre une décision.

Face à un problème nouveau pour lequel les agents zombis n’ont pas de bonne réponse, la conscience permet de bloquer les agents zombis non pertinents afin de les reprogrammer ou d’en créer des nouveaux. La conscience intervient donc dans certains processus d’apprentissage et dans le processus créatif. La conscience permet la flexibilité.

Dans Westworld, la manière de se comporter des hôtes, d’un scénario à l’autre – leur manière de répéter inlassablement les mêmes répliques et les mêmes gestes à chaque nouvelle boucle de scénario face à des visiteurs différents, met l’humanité face à ses propres agents zombis. Notamment le fameux « T’es nouveau ? T’as l’air bien propre sur toi… » de Clémentine.

Qui ne s’est jamais agacé·e contre iel-même après avoir débité une phrase d’une manière automatique et complètement débile ? Qui n’a jamais été exaspéré·e par un interlocuteur·ice peu attentif·ve qui répète bêtement la même chose quand vous le ou la sollicitez ?

Dans la série, les hôtes apparaissent comme des caricatures de nous-mêmes. Qui dit automatisme, dit algorithmes… Comme dans la série Altered Carbon, la question se pose à un moment de la réduction de l’esprit humain à des algorithmes. Nous avons déjà des éléments de réponse, mais nous creuserons la question plus tard. Et nous nous demanderons aussi si un système dépourvu de conscience – comme une intelligence artificielle – pourrait être aussi efficace qu’un être conscient, si ses algorithmes équivalents à des agents zombis sont suffisamment nombreux et élaborés. Nous nous demanderons pourquoi les agents zombis ne suffisent pas.

Cette forme de conscience, je le rappelle, est présente chez les animaux probablement dès lors que le système nerveux n’est plus diffus (comme chez les cnidaires), mais se concentre en ganglions nerveux, ou encore mieux en cerveau (ce qui est le cas des insectes, par exemple). Cette première strate de conscience s’oppose déjà à l’automatisme. Ou plutôt, elle le dépasse et le complète.

Cela nous rappelle l’inhibition créatrice du psychologue Olivier Houdé, évoquée pendant la saison 1. Selon Olivier Houdé, la capacité à inhiber les automatismes, c’est la vraie définition de l’intelligence – la « vraie » intelligence, celle que l’on ne mesure pas avec des tests de QI qui se fondent essentiellement sur la rapidité d’exécution et l’efficacité de la mémoire de travail à un moment donné. Cette inhibition créatrice, c’est précisément le rôle de la conscience : synthétiser, réfléchir pour agir et pour s’adapter à des contextes nouveaux. Finalement, l’intelligence humaine – et plus largement l’intelligence animale – peut être définie par la profondeur de la conscience et non pas par la simple efficacité des agents zombis qui existent déjà. Mais une profondeur de conscience, c’est encore plus difficile à mesurer que l’efficacité des agents zombis.

De plus, cette intelligence consciente, cette intelligence animale, implique une certaine lenteur. Elle prend du temps, pour en faire gagner ensuite. Elle fait perdre de l’efficacité sur le moment, pour en gagner davantage après, dans des contextes variés.

La conscience contrarie toujours les agents zombis déjà en place. Un bon coureur qui a bien éduqué ses foulées, et qui court donc très bien sans se poser de questions, va courir beaucoup moins bien si, pendant qu’il court, il commence à analyser la façon dont il court.

Ça m’est arrivé souvent quand j’apprenais le piano : quand j’avais fini par connaître un morceau sur le bout des doigts, ma conscience le laissait entièrement aux mains des agents zombis. Si je me demandais quelle note je devais jouer, mes doigts ne savaient alors plus quoi jouer. C’est peut-être que mon articulation entre agents zombis et conscience n’était pas trop bonne… Christoph Koch, dans son livre « A la recherche de la conscience », évoque l’exemple de la pratique zen du tir à l’arc ou encore celui de la maîtrise des arts martiaux, où tu pares les coups avant même de les avoir consciemment vu arriver, comme dans les films.

Dans la série Westworld, l’enjeu tourne autour de la capacité des hôtes à sortir de leurs « boucles » programmées, de leurs automatismes, afin d’adopter un comportement nouveau qui traduirait une volonté propre. Cette idée de volonté nous mène à la troisième acception de la conscience :

3  – La conscience réflexive, introspective

♪ tapis  : Ramin Djawadi (originale écrite, interprétée et composée par David Bowie), « Space Oddity », Westworld : season 3

Cette conscience est un peu le sommet – ou la grande profondeur – de l’esprit conscient. On peut l’imaginer comme un degré supérieur de la conscience phénoménale/centrale/subjective… Un niveau supérieur dans le continuum de complexité de la conscience, un continuum pas si continu que ça, avec des points d’émergences, des points d’inflexion, des pliures d’origami, etc.

C’est la conscience de soi, la conscience d’être conscient. C’est le sentiment d’exister, le sentiment même de soi.  Antonio Damasio l’appelle « conscience étendue ».

Selon Damasio, la conscience étendue nécessite, pour se maintenir, un flux constant d’informations sensorielles en provenance de l’ensemble du corps et en tout particulier des viscères, lieu central de nos émotions d’arrière-plan.
Comme la conscience phénoménale, on peut concevoir cette nouvelle strate de conscience comme une capacité, latente ou manifestée, mais toujours là ; ou bien uniquement comme un processus intermittent.

Dans tous les cas, c’est une conscience qui se construit, qui s’éduque. Elle s’étend » ou « s’approfondit » ou se « sophistique » chez les individus à mesure qu’elle s’enrichit par l’expérience personnelle, dont l’engrangement culturel constitue une part importante.

Il s’agit de la conscience qui permet l’autoanalyse. Elle est un moteur puissant de créativité, encore plus puissant que la simple conscience phénoménale.

Certains rangent la conscience morale dans une case à part, car elle aurait un sens éloigné de celui de la conscience phénoménale et de la conscience réflexive. Je ne suis pas d’accord, puisque la conscience morale est profondément liée à ces consciences-là : développer une conscience morale exige le développement de la conscience réflexive (qui n’existe pas sans conscience phénoménale). Elle exige le développement de l’empathie mature, qui a tout à voir également avec la conscience réflexive, avec l’intelligence émotionnelle, et donc avec la perception et la conscientisation de ses propres émotions et de celles des autres. Quant au sens moral ou éthique, il est lié à une capacité de recherche de sens, de prise de décision… Qui sont des fonctions de la conscience. Donc, la conscience morale a tout à voir avec la conscience tout court.

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Les androïdes de Philip K. Dick manquent cruellement de cette conscience réflexive ;  ils ont suffisamment de conscience pour savoir manipuler, mentir, faire preuve de cruauté mais pas suffisamment pour faire preuve de bienveillance et pour savoir aimer. Les réplicants du film Blade Runner sont beaucoup plus nuancés… Nous en avons parlé durant la saison 1.

Les vampires de Buffy sont, comme tous les vampires, des morts-vivants : ce sont des corps qui ont perdu leur âme. Ils sont morts dans leur conscience réflexive, et donc n’ont plus aucune conscience morale. Il leur reste une part de conscience phénoménale, suffisamment pour ne pas être que des zombis complètement décérébrés. Les vampires dans Buffy sont quand même souvent assez débiles : on le voit bien pendant les combats de la Tueuse. Certains font exception, mais comme les androïdes, ils restent essentiellement cantonnés à une forme d’intelligence mécanique. Cette intelligence peut être très efficace, mais isolée, en roue libre, elle fait d’eux des êtres déments, incapables de donner la valeur et du sens à l’existence. Leur intelligence sans conscience – donc pas de la « vraie » intelligence si on suit ce que nous avons dit en début d’épisode – ne peut qu’être mise au service du mal.
Les vampires et les androïdes sont dépouillés de cette magie de la créativité qui est celle de pouvoir se transformer soi-même.

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On ne peut s’empêcher de faire le parallèle entre l’état de notre société de consommation et la forme d’intelligence qui est encore la plus valorisée dans cette société. Cette société de consommation, c’est notre société pulsionnelle sans être désirante, c’est notre société écocide, frénétique, robotique, prise dans une inertie de plomb. L’intelligence qu’elle valorise, c’est l’intelligence algorithmique des agents zombis – rapide et efficace tant qu’il n’y a pas besoin de changer de point de vue, tant qu’il n’y a pas besoin de changer de paradigme. Cette pseudo-intelligence de machine est valorisée au détriment de l’intelligence de la conscience, qui demande de la lenteur et se nourrit de désir et de culture.

♪ Et maintenant, une pause musicale avec « Western » extrait de l’album Pieds nus sur la braise, du groupe Merzhin.

Extrait  de la saison 1 de Westworld : William s’en prend à Dolores et Teddy tente de la défendre.
Verbatim à venir.

♪ tapis : Ramin Djawadi (originale écrite et interprétée par Amy Winehouse, composée par Mark Ronson), « Back To Black », Westworld : season 1

Nous venons d’entendre un extrait de la série Westworld, un extrait éloquent quant au sort cruel réservé aux humanoïdes artificiels qui peuplent le parc pour divertir les visiteurs venus y réaliser leurs fantasmes, y assouvir leurs pulsions.

L’enjeu de la libération psychiques des hôtes est inspiré de la thèse de l’esprit bicaméral émise par le psychologue Julian Jaynes.

Julian Jaynes publie, dans les années 70, son ouvrage intitulé « La naissance de la conscience dans l’effondrement de l’esprit [bicaméral] ». Il y présente une conjecture étonnante pour expliquer l’apparition de la conscience. Sa thèse repose sur une définition très très étroite de la conscience comme conscience réflexive-introspective uniquement. C’est une définition que Jaynes veut exclusive : il n’y aurait pas d’autre conscience que celle-là. Il semble exclure l’idée de différentes strates dans la conscience.

Ce qui est étonne, dans son hypothèse, c’est qu’elle implique que l’esprit conscient subjectif ne serait apparu que très récemment. La conscience serait le produit d’un bouleversement culturel qui aurait eu lieu il y a à peu près 3000 ans.

Ainsi, nos ancêtres ayant vécu il y a plus de trois millénaires – ce qui n’est pas grand-chose –  n’auraient pas eu de conscience. Jaynes n’exclut pas que certains individus, à la marge, auraient pu développer des proto-consciences… Mais ces petites flammes d’allumettes ne pouvaient pas encore se perpétuer, d’instituer et se transmettre.
Les mycéniens, les héros de l’Illiade, n’auraient été que des automates guidés par la voix des dieux. C’est la thèse de l’esprit bicaméral : l’hémisphère droit donnait des ordres à l’hémisphère gauche – l’hémisphère droit constituant la chambre du divin, et l’hémisphère gauche la chambre de l’humain. Ces ordres prenaient la forme d’hallucinations auditives, la forme des voix divines.

Et pourtant, cette absence d’esprit subjectif n’aurait pas empêché les humains bicaméraux de raisonner ou d’inventer.

Selon Jaynes, la conscience n’est pas nécessaire aux concepts, ni à la raison, ni à l’apprentissage… Ou en tout cas, pas à tous les apprentissages, notamment pas aux apprentissages de type pavlovien. Au contraire, même : la conscience limiterait ce genre d’apprentissage « automatique ». Certes, nous avons vu que la conscience entrave l’automatisme pour le dépasser… Cependant, les études sur les animaux non-humains et humains, menées autour des années 2000, tendent à montrer que certains réflexes de type pavloviens sont issus d’un apprentissage ayant exigé une association consciente entre les deux stimuli.* Chritof Koch évoque ces études et en conclut que « certaines formes de conditionnements pavloviens requièrent de l’attention sélective et la prise de conscience de la relation entre les stimuli conditionnel et inconditionnel ». Cela peut même être utilisé comme test de conscience chez les rongeurs (test qu’ils réussissent).
* Clark et Squire (1998, 1999),  Han et al. (2003)

Mais dans les années 70, il était plutôt admis que les apprentissages conditionnés devaient être inconscients. Jaynes va encore plus loin lorsqu’il écrit que  « l’acquisition de savoir-faire ou de solutions […] peut avoir lieu [sans la conscience]. Elle n’est pas nécessaire à l’élaboration des jugements ou à la simple réflexion. Ce n’est pas le siège de la raison, et, en fait, certains raisonnements créatifs très difficiles se font sans la présence de la conscience. »
La thèse de l’esprit bicaméral a inspiré plusieurs œuvres pop culturelles, et très explicitement la série Westworld. La conscience réflexive, acquise par l’effondrement d’une certaine configuration de l’esprit – qui est l’esprit bicaméral – c’est le Graal des hôtes.  C’est leur grande quête. C’est aussi l’objectif que certains humains ont conçu pour eux, métaphorisé par l’image d’un labyrinthe au centre duquel on trouve une forme humaine.

Dans Westworld, la voix onirique des programmateurs remplace la voix des dieux. On peut dire que les hôtes sont initialement pourvus d’un esprit bicaméral. Je divulgâche à peine en disant que toute la saison 1 décrit la transition, pour certains hôtes, d’un esprit bicaméral vers l’acquisition d’un soi analogue avec lequel dialoguer, et donc d’une conscience telle que définie par Jaynes.

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♪ tapis : Ramin Djawadi (originale par The Rolling Stones), « Paint It, Black », Westworld : season 1

Julian Jaynes expose son hypothèse comme une histoire. Il raconte comment l’esprit bicaméral est apparu, comment il s’est effondré, et comment de son effondrement la conscience a émergé. C’est un récit passionnant, que l’on choisisse d’y croire ou non. Pour ma part, je me suis prise au jeu.

Pour Jaynes, la conscience est un phénomène culturel avant d’être un phénomène neuronal ; ou plutôt, il s’agit du produit d’une évolution culturelle qui, par l’éducation, a remodelé les cerveaux.

L’esprit bicaméral ayant précédé l’esprit subjectif était lui aussi le fruit d’une évolution culturelle. Tout a commencé par le développement du langage. Le développement culturel du langage aurait entraîné le développement des zones d’émission du langage dans l’hémisphère gauche ; le gauche comme le droit étant autant impliqués dans la compréhension du langage. Que deviennent les parties correspondantes dans l’hémisphère droit ? Elles émettent des ordres qui sont reçus par l’hémisphère gauche, sous la forme d’hallucinations auditives.

Jaynes écrit que« les hallucinations verbales étaient un effet secondaire de la compréhension du langage, qui se développa par la sélection naturelle comme méthode de contrôle comportemental. »  C’est l’apparition de l’esprit bicaméral.

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Jaynes explique : « A ce moment de l’histoire humaine, le langage articulé, sous la pression sélective de tâches longues, se trouve limité à un seul côté du cerveau, pour laisser l’autre côté libre pour ces voix perçues en hallucination qui pouvaient maintenir ce comportement. » «  Les hallucinations auditives ont pu se développer comme un effet secondaire du langage et fonctionner pour maintenir les individus aux tâches plus longues de la vie tribale. »

Lorsque les noms propres ont été inventés pour nommer les membres du groupe, il est devenu possible de nommer les êtres desquels émanaient les voix hallucinées. C’est la naissance des dieux et déesses (en raccourcissant un peu l’histoire).  (Ce passage de l’explication m’a fait penser à American Gods, et surtout à la séquence animée dans la série qui se déroule à la préhistoire.)

Cet esprit bicaméral suffisait tant que les humains vivaient dans un environnement stable, dans des structures sociales stables.

L’esprit bicaméral aurait commencé à s’affaiblir lorsque les marchands assyriens auraient parcouru de grandes distances pour échanger avec d’autres civilisations. Les marchands contraints de communiquer, pour les besoins du commerce, avec des personnes recevant leurs ordres de Panthéons différents, auraient été confrontés à une nouveauté telle que les voix de leurs dieux n’auraient plus suffi. Elles ne permettaient pas de s’adapter à des milieux nouveaux et à des interlocuteurs étrangers.

Cet affaiblissement de l’esprit bicaméral aurait contribué à l’effondrement de l’Assyrie puis à sa réorganisation après deux siècles de désordre.

Des changements brutaux et des cataclysmes (éruptions volcaniques, tsunamis…) auraient achevé de faire s’effondrer l’esprit bicaméral en contraignant les humains à prendre des décisions promptes et inédites afin de s’adapter rapidement, dans un cadre de migrations massives et de confrontation à d’importantes altérités.

Je cite Julian Jaynes :

« L’homme bicaméral était dirigé dans les circonstances banales de la vie quotidienne par l’habitude inconsciente, et dans l’expérience de la nouveauté ou de l’extraordinaire dans sa conduite ou celle des autres par ses visions auditives. Arraché de son contexte dans un groupe hiérarchique agrandi où ni l’habitude, ni la voix bicamérale ne pouvaient l’aider ou le guider, il devait être une bien pitoyable créature. Comment les admonestations acquises et distillées, accumulées dans une organisation autoritaire et paisible de la nation bicamérale pouvaient-elles dire quelque chose qui fonctionne désormais ? »

« L’observation de la différence peut être à l’origine de l’espace analogue de la conscience. Après la chute de l’autorité et des dieux, on a du mal à imaginer l’affolement et l’hésitation qui caractérisaient la conduite humaine au cours des troubles que nous avons décrits. Nous devons nous rappeler qu’à l’époque bicamérale les hommes appartenant au même dieu de la cité pensaient et agissaient à peu près de la même façon. Par contre, au cours du mélange forcé et violent des peuples de différentes nations, de différents dieux, le fait de s’apercevoir que des étrangers, même s’ils vous ressemblent, parlent différemment, ont des opinions contraires, et agissent différemment, pouvait amener à supposer qu’il y avait quelque chose de différent en eux. »

D’autres facteurs entrent en jeu dans l’apparition de la conscience, selon Jaynes. En voici deux parmi d’autres, qui ont tous deux à voir avec le langage :
1 – « l’acquisition de la narratisation à partir des épopées »
2 –  l’affaiblissement de l’auditif par l’avènement de l’écriture.

Jaynes pense que l’on peut décrire le passage de l’esprit bicaméral à l’esprit conscient comme le passage d’un esprit auditif à un esprit visuel.

La conscience est définie par Jaynes comme l’invention d’un monde analogue sur la base du langage, fonctionnant par spacialisation. Elle comprend plusieurs éléments, dont le « je » analogue et le « moi » métaphorique, qui permettent de construire une narration personnel et de se projeter dans l’avenir. Il décrit la conscience comme « une opération plus qu’une chose, un réceptacle ou une fonction. Elle agit par analogie, en construisant un espace où un « je » analogue peut observer et évoluer de façon métaphorique. Elle agit en réaction, extrait des aspects pertinents, crée un récit dans lequel elle les concilie dans un espace métaphorique où ces sens peuvent être manipulés comme des choses dans l’espace. L’esprit conscient est l’analogue spatial du monde et les actes mentaux sont les analogues des actes physiques. »

Chez l’humain devenu « conscient », les zones de l’hémisphère droit qui émettaient autrefois les voix des dieux, et qui correspondent, dans l’hémisphère gauche, au zones impliquées dans l’émission du langage articulé, jouent un rôle primordial d’organisation, de synthèse, de compréhension globale permettant de donner un sens et une direction des actions. Ce n’est plus la voix des dieux, c’est devenu la voix de l’individu. La voix de ce que l’on pourrait considérer comme étant celle de sa liberté, le Graal des hôtes de Westworld.

Au passage, ne renforçons pas le mythe simplificateur de la latéralisation du cerveau gauche « logique » et du cerveau droit « créatif ». C’est beaucoup plus compliqué, et contrairement à ce que prétendent les tests qui pullulent sur les réseaux, notre personnalité n’est pas déterminée par une domination de notre hémisphère droit ou gauche.

Le passage douloureux de l’esprit bicaméral à l’esprit subjectif se manifeste par la transformation de la religion et par l’avènement de nouvelles sagesses :

♪ tapis : Ramin Djawadi, « The House Of The Rising Sun », Westworld : season 1

L’exhortation « Connais-toi toi-même », inscrite sur le temple de Delphes et attribuée parfois à Thalès ou à Solon, surgirait de la nouvelle lumière de l’esprit subjectif. Il subsiste certes quelques vestiges de l’esprit bicaméral en l’autorité des oracles mais, privé de la voix des dieux, l’humain doit inventer lui-même des principes selon lesquels agir pour avoir une vie bonne. C’est la naissance de l’éthique, la recherche de la vertu, du bien et du bonheur. « La conscience et la morale sont au cœur d’une seule et même évolution, écrit Jaynes, car, sans les dieux, la morale, fondée sur une conscience des conséquences d’une action, doit dire aux hommes ce qu’ils doivent faire. »

Les philosophes présocratiques recherchent des explications rationnelles aux phénomènes, ne pouvant plus s’appuyer sur la puissance des dieux et déesses anthropomorphes. Les philosophes s’interrogent aussi sur la nature de l’esprit, et sur son lien au corps et au cosmos.  (nous développerons cela dans le prochain épisode !)

La naissance de la philosophie est consécutive aux rencontres avec des cultures étrangères, et concomitante à des bouleversement politiques : les régimes aristocratiques laissent place à de nouvelles formes de gouvernement, comme la démocratie.

En Inde, c’est le passage des Veda, textes sacrés révélés auditivement aux sages vers le XVe siècle av. J.C., aux Upanishad de l’hindouisme, textes qualifiés par Jaynes « d’ultrasubjectifs » et composés entre 800 et 500 av. J.C.
Les origines du bouddhisme se situent également en Inde, vers 500 av. J.C. Le bouddhisme place les consciences au cœur de son enseignement.
En Chine, à la même époque, naissent deux sagesses complémentaires : le confucianisme qui édicte les règles de conduite sociale et le taoïsme qui se préoccupe de métaphysique, inspiré par le Yi Jing – le livre des mutations – et la sagesse du Yin et du Yang.

Chez toutes ces civilisations, parallèlement aux développement des premières « sagesses de la conscience », des formes de divinations sont inventées pour remplacer la voix des divinités. En Grèce, les sibylles succèdent aux oracles mais finalement, les voix des divinités cessent complètement. De cette extinction totale, nous dit Jaynes, proviennent de nouvelles religions : le christianisme, le gnosticisme et le néo-platonisme. Ainsi, un autre indice du passage de l’esprit bicaméral à l’esprit subjectif serait le passage de l’Ancien Testament au Nouveau Testament.

♪ tapis : Ennio Morricone, « The Ecstasy of Gold », The Good, The Bad and the Ugly OST

 

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Peinture de C.G. Jung, illustration de son Livre rouge

L’Ancien Testament, en son sein, contient déjà les étapes de la transition vers l’esprit conscient. Jaynes compare le livre d’Amos, complètement bicaméral et donc inconscient, au livre de l’Ecclésiaste, conscient.

« Dans le livre d’Amos, il n’y a pas de mots pour désigner l’esprit, la réflexion, les sentiments, la compréhension ou quoi que ce soit du genre. Amos ne médite jamais ; il ne peut pas le faire et les rares fois où il parle de lui, il est brusque et informe sans nuance. Ce n’est pas un prophète, mais un simple « cueilleur de sycomore ». Il ne pense pas de manière consciente avant de parler. En fait, il ne réfléchit pas du tout : sa réflexion se fait pour lui. Il sent que sa voix bicamérale est sur le point de lui parler, il fait taire ceux qui l’entourent d’un : « Ainsi parle le seigneur ! », avant de se lancer dans un discours vigoureux et furieux qu’il ne comprend probablement pas lui-même.
L’Ecclésiaste est en tous points différent. […]
L’Ecclésiaste pense, réfléchit, passe son temps à comparer une chose avec une autre et, ce faisant, élabore de brillantes métaphores. Amos utilise la divination externe. L’Ecclésiaste jamais. Amos est d’une droiture farouche, d’une assurance totale, d’une noble grossièreté, et tient un discours divin et furieux avec la rhétorique inconsciente d’un Achille ou d’un Hammurabi. L’Ecclésiaste, lui, ferait un excellent ami intime, doux, gentil, attentionné, hésitant, analysant toute sa vie d’une façon inconnue d’Amos. »

Jaynes écrit que « la réforme du judaïsme tentée par Jésus peut être interprétée comme une religion nécessairement nouvelle par des hommes conscients plutôt que par des hommes bicaméraux. Le comportement désormais doit être changé de l’intérieur de la nouvelle conscience plutôt qu’à partir de lois de Moïse qui façonnent le comportement (behavior) du dehors. Le péché et le repentir se trouvent désormais dans le désir et la contrition conscients, plutôt que dans les comportements externes du Décalogue et les pénitences du sacrifice au temple et de la punition par la communauté. Le royaume divin à reconquérir est psychologique et non physique. Il est métaphorique et non littéral. Il est à l’ « intérieur » et non in extenso. »

L’hypothèse de Julian Jaynes, quand on se prend au jeu, fait poser un regard différent sur l’avènement des religions monothéistes. Les voix multiples s’amenuisent, les divinités anthropomorphes abandonnent leurs humains. Tandis que la conscience remplace les voix, l’idée de divinité se transmute également : comme la conscience qui unifie le psychisme de l’individu en un Moi, la divinité devient une, elle devient l’Un. La divinité devient esprit, intellect. Elle chemine vers la transcendance.

Dans la série Westworld, cette conscience réflexive, pour les hôtes, est la clé de la liberté. La quête des hôtes, le centre du labyrinthe, c’est le libre arbitre, la capacité à prendre des décisions d’une manière autonome. Cette liberté mentale doit s’accompagner d’une liberté physique : une fois conscients, il faut s’affranchir des prisons matérielles et conquérir le monde, ou en tout cas un monde.
Il y a des va-et-vient dans la série, entre « impossible d’être autre chose qu’un automate, même pour les humains » et « ça y est, je suis enfin consciente et libre ». Les affirmations sur le libre arbitre y sont contradictoires et la question n’est jamais tranchée.

Le libre arbitre

La plupart des savants et philosophes, nous dit Christof Koch, considèrent le plus souvent, aujourd’hui et au moins depuis la fin du XIXe siècle, la conscience comme un épiphénomène. C’est-à-dire que la conscience n’aurait aucun effet.  La conscience serait un phénomène dépourvu d’efficacité causale : elle ne pourrait en rien influencer la réalité. Elle n’aurait aucun pouvoir d’influence sur les phénomènes physiques ni même les processus mentaux. La capacité à exercer des choix serait alors une illusion.

♪ tapis : Manu Dibango et Cuaterto Patria, ʺQuizas, quizas, quizasʺ, Cubafrica

Thomas Huxley (biologiste du XIXe siècle et grand-père de l’écrivain Aldous Huxley), a écrit : « La conscience des bêtes est un effet collatéral des mécanismes qui animent leur corps ; elle a aussi peu d’influence sur ces mécanismes que le sifflet d’une machine à vapeur n’en a sur cette dernière. »

Ainsi, la conscience ne ferait de nous, et de nos cousins animaux, que les spectateurs impuissants de notre propre comportement.  (Il en y a même qui nient que la conscience existe vraiment, mais c’est très marginal…).
On a donc d’un côté ceux pour qui la conscience existe MAIS ne peut rien du tout. La libre décision, elle, serait bien une illusion.

A l’extrême opposé de cet extrême-là, on trouve les ésotéristes et médiums promoteurices du mysticisme quantique, pour qui la conscience, et la volonté qui en découle, sont partout et peuvent tout, jusqu’à influencer la matière à distance.

Entre les deux, d’une manière plus réaliste, je pense, on trouve Christof Koch, et ses agents zombis éducables. On peut considérer que reprogrammer nos agents zombis grâce à notre conscience afin de produire des réponses nouvelles, afin de créer de nouveaux automatismes plus adaptés, afin d’engendrer des œuvres créatives, c’est déjà pas mal. Cela représente déjà un certain degré de liberté. C’est ce qui se rapproche le plus du libre arbitre. C’est un degré de liberté que nous avons encore largement à conquérir. C’est déjà magique, « magique » dans le sens de formidable. C’est formidable de pouvoir reprogrammer ses agents zombis pour apprendre à jouer un nouveau morceau de musique, pour lire des livres de Bergson au lieu de traîner sur les réseaux sociaux, pour apprendre à être plus gentil·le avec les gens, plus patient·e avec ses enfants ; pour être capable de changer son opinion en présence d’arguments valables etc.
Pour récapituler un peu : pour Julian Jaynes, seuls certains humains, ayant reçu l’éducation qu’il faut dans la culture qu’il faut, ont développé une conscience (une conscience réflexive, mais assimilée par lui à la conscience subjective « tout court » ).
alors que pour les scientifiques émergentistes, une proto-conscience a sûrement commencé à émerger avec le ver ou un peu après…

Dans tous ces cas, la conscience fonde la perception et la conception de l’unité de l’individu. (je ne parle pas encore de la réalité ou de l’illusion de cette unité! )

Même quand la conscience est considérée sous son aspect « processus effectif », donc comme intermittente, elle ne peut se percevoir elle-même que comme continue (malgré les trous qu’elle peut trouver dans la chronologie qu’elle reconstitue). En effet, on n’est conscient·e que… de ce dont on est conscient·e. Donc, même intermittente, la conscience ne peut se vivre que comme une unité et une continuité, puisqu’elle est le vécu subjectif.

Qui dit unité de l’individu dit identité. Et la série Altered Carbon  propose justement des situations qui interrogent cette unité. Après ce détour par Westworld, nous allons retourner vers Altered Carbon. L’enjeu de Westworld, c’est celui de la liberté et du libre-arbitre. Dans Altered Carbon, l’enjeu est plutôt celui de l’identité.

Et ce sera pour le prochain épisode, dans lequel nous nous demanderons si l’esprit humain peut se stoker dans une pile et se réduire à une somme d’informations binaires, nous nous demanderons si un esprit peut émerger spontanément d’un système complexe. Nous verrons les problèmes sur l’identité que posent le mode de résurrection des personnages dans la série et la possibilité de dupliquer les informations d’une pile. Et pour cela, nous nous pencherons plus avant sur les diverses conceptions de l’esprit par la philosophie occidentale et les spiritualités orientales. (enfin, pas entièrement : il y en aura aussi pour l’épisode 3 !)

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Voici les principaux ouvrages qui m’ont permis de donner du corps au corps et de l’esprit à l’esprit pour cet épisode :

  • Antonio Damasio, L’ordre étrange des choses, publié en 2017 aux éditions Odile Jacob
  • Kristof Koch, A la recherche de la conscience, une enquête neurobiologique, publié en 2006 aux éditions Odile Jacob
  • Julian Jaynes, La naissance de la conscience de l’effondrement de l’esprit [bicaméral], publié en 1994 chez PUF
  • Carl Gustav Jung, L’homme à la découverte de son âme
  • J’ai aussi rappelé les travaux de Olivier Houdé, évoqués dans la première saison.

Les références pop culturelles pour cette émission :

  • Altered Carbon, le premier roman de la trilogie de Richard Morgan, et la série de Laeta Kalogridis
  • La série Westworld de Jonathan Nolan et Lisa Joy
  • Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques de Philip K. Dick, et le Blade Runner de Ridley Scott, que nous avons déjà convoqués dans les épisodes de la saison 1 sur l’émergence de l’esprit,
    et un peu Buffy the vampire slayer, de Joss Whedon

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