Artborescience S1 ep4 : l’émergence du psychisme

Artborescience S1 ep4 : l’émergence du psychisme

L’épisode est disponible au téléchargement direct, ICI :

Artborescience S1 ep4, l’émergence du psychisme

Artborescience, c’est l’émission sur Radio Campus qui élargit votre horizon des événements, c’est l’émission qui entrelace les découvertes de la science contemporaine et les trouvailles de la culture populaire, l’émission ouverte à toutes les formes d’arts et de poésie. Artborescience, c’est l’émission qui révèle des liens, c’est l’émission qui synthétise et qui alchimise, l’émission qui butine et qui fertilise, et enfin l’émission qui assume de tirer parfois les sciences par les cheveux.

Extrait de Blade Runner (Ridley Scott) :

— Qu’est-ce que c’est ?
— Nexus 6. Roy Batty. Date de mise en service : 2016. Modèle de combat. Autonomie optimale. Probablement le chef. La quatrième gueule d’humain est Pris, le type même de l’objet de plaisir. Modèle standard pour les clubs militaires de nos colonies. Ils ont été conçus pour imiter les êtres humains en tout point, sauf dans leurs émotions. Leurs créateurs reconnaissent qu’après quelques années, ils peuvent développer eux-mêmes des réactions émotionnelles : haine, amour, colère, peur, envie… Alors, ils ont prévu un système de sécurité.
— Et c’est quoi ?
— Quatre ans de vie, au plus.

Dans cet extrait du film Blade Runner, réalisé par Ridley Scott et sorti en 1982, l’ex-employeur du chasseur de prime Rick Deckard fournit une description des Réplicants qu’il demande à Rick de neutraliser. Il décrit ces Réplicants – ces androïdes – comme conçus pour imiter parfaitement les êtres humains. Ce perfectionnement leur permet de développer des réactions émotionnelles, mais des réactions émotionnelles qui sont défaillantes ou déviantes. C’est pourquoi leur durée de vie n’est que de quatre ans : afin d’éviter le développement excessif de ces réactions émotionnelles. C’est ce que permet d’évaluer le test d’empathie Voigt-Kampff : l’absence de réaction émotionnelle ou le caractère inapproprié de ces réactions s’il y en a, liés à un défaut d’empathie.

hommage à Blade Runner par Krzysztof Domaradzki

Or, nous avons commencé à mesurer, dans l’épisode précédent, l’importance des émotions et des sentiments dans la construction du psychisme. Nous développerons ce thème aujourd’hui.

Lors des précédentes émissions, nous avons vu comment la complexité émerge de la simplicité en évoquant les travaux de Stuart Kauffman, les réflexions de John Gribbin et de Robert Laughlin. Nous avons commencé à aborder l’émergence de l’esprit en insistant sur l’importance fondamentale des images produites par le système nerveux. Les sentiments sont une des catégories de ces images.

Aujourd’hui, nous prolongerons donc le mouvement que nous avons initié sur l’émergence de l’esprit. Nous sauterons d’un niveau d’organisation à l’autre, du corps vers l’esprit en empruntant l’arc-en-ciel des émotions et des sentiments pour assister à l’émergence de la conscience. Nous illustrerons l’importance des sentiments dans le développement de la conscience en faisant passer aux androïdes de Philip K. Dick le test de Voigt-Kampff, en pieutant quelques vampires et en conjurant quelque démiurge. Tout cela nécessitera de s’attarder sur la notion d’empathie.

L’importance des sentiments et l’insuffisance d’une intelligence mécanique nous conduirons à opposer, de manière bergsonienne, intelligence et intuition, espace et durée. Nous conclurons ainsi l’émission, en bonne compagnie, puisque nous verrons en quoi le roman d’Alain Damasio, Les Furtifs, est un roman que j’ai trouvé très bergsonien.

Au menu :

♪ tapis : « Watermelon Man », Herbie Hancock

Pourquoi parler d’émergence ?

Pourquoi parler d’émergence à propos de l’apparition de l’esprit, à propos du psychisme ? On peut en parler à double titre.
Premièrement, on peut considérer que l’esprit résulte d’un certain degré d’organisation qui suit des lois qui lui sont propres, suivant des lois émergentes. C’est-à-dire que ces lois ne peuvent se déduire des lois qui régissent les simples composants du système. Les lois émergentes du psychisme ne peuvent pas, en suivant la théorie de l’émergence, se déduire des lois qui régissent les réseaux de neurones, qui elles-mêmes ne peuvent pas se déduire des lois de la chimie et de la physique. Deuxièmement, on pourrait évoquer la capacité de l’esprit à percevoir et à concevoir cette émergence. Le parcours envisagé pour la première saison d’Artborescience nous y mènera.

La dernière fois, nous avons vu comment l’émergentisme intervient dans les théories de l’évolution.

Nous avons évoqué le philosophe Henri Bergson, à la charnière du XIXe et du XXe siècle, pour qui l’évolution de la vie ne résulte pas seulement d’une mécanique aveugle, pas plus qu’elle ne répond à une cause finale. La vie, selon Bergson, procède d’une impulsion, d’un élan vital qui emprunte différentes directions en fonction des obstacles qu’elle rencontre, en fonction des milieux auxquels elle doit s’adapter. Par cette adaptation, l’élan vital structure la matière et l’esprit de diverses manières. Ces formes sont des solutions possibles aux problèmes posés par les contraintes de l’environnement.

Tentative par moi-même de réaliser un portrait à l’aquarelle de Henri Bergson, avec une genette furtive sur la tête.

À la même époque, le biologiste Lloyd Morgan n’est ni vitaliste ni réductionniste. Il est émergentiste. Pour lui, il n’existe pas d’élan vital préalable à la vie et qui viendrait l’impulser. Mais la vie ne se réduit pas non plus à ses propriétés physico-chimiques. La vie, puis le psychisme, naissent avec leurs propres lois, qui ne sont pas celles des cellules ou des neurones en particulier. De même que les lois des neurones ne se réduisent pas aux lois des molécules etc.

Nous avons vu que la vie multicellulaire s’est épanouie sans systèmes nerveux pendant trois milliards d’années, dans les océans. Les systèmes nerveux, avec leurs neurones, sont apparus il y a environ 680 millions d’années. Ces systèmes nerveux primitifs consistent en des filets nerveux qui permettent une forme élémentaire de perception, mais il leur manque la capacité à générer des images, à cartographier leur environnement. Il a fallu que les systèmes nerveux atteignent une certaine complexité, sans doute atteinte avec le regroupement des neurones en ganglions il y a 550 à 600 millions d’années, pour qu’ils puissent générer des images qui sont les composantes fondamentales de l’esprit et de la conscience.

La conscience

♪ tapis : « Where can I go without you », Keith Jarrett

La conscience… Un terme polysémique, étroitement lié au sentiment dans toutes ses acceptions.

Bergson ne définit jamais vraiment la conscience. Il la caractérise par certains attributs, tels que le soi et la mémoire. Pour Bergson, la conscience semblerait coïncider avec l’âme, avec le psychisme. Cette âme existerait chez tout être vivant, car toute vie émergerait selon lui de la matière et de l’esprit. Pour Bergson, la vie est d’essence psychologique, et tout esprit implique une conscience. Mais cette conscience est comme occultée chez certains êtres vivants, tels que les plantes.

Bergson écrit :
« Conscience ou supraconscience est la fusée dont les débris éteints retombent en matière ; conscience encore est ce qui subsiste de la fusée même, traversant les débris et les illuminant en organismes. Mais cette conscience, qui est une exigence de création, ne se manifeste à elle-même que là où la création est possible. Elle s’endort quand la vie est condamnée à l’automatisme ; elle se réveille dès que renaît la possibilité d’un choix. »

En parlant de la pensée de Bergson, Paul-Antoine Miquel, professeur de philosophie, précise que la conscience est l’idée que l’esprit est en relation avec lui-même : il y a un monde immanent présent en lui et qui est vécu par lui ; c’est l’idée qu’il sent qu’il a en lui-même bien plus que ce dont il a conscience.

Suggestion : Artborescience S2 ep1 : Corps, esprit et conscience avec Westworld pour un développement du sujet de la conscience, de ses définitions et de ses attributs)

Bergson conçoit l’esprit comme une « force [qui] travaille devant nous, qui cherche à se libérer de ses entraves et aussi à se dépasser elle-même ». L’esprit, c’est ce qui donne plus que ce qu’il n’a, c’est ce qui tire de lui-même plus que ce qu’il contient.

En psychologie analytique – la discipline fondée par Carl Gustav Jung – et là on s’éloigne des sciences pour aller vers la culture pop – la conscience est la partie émergée de l’iceberg psychique. Jung compare la conscience à un mince faisceau qui éclaire un tout petit nombre d’éléments de l’inconscient et les fait connaître au Moi.

Jung compare aussi la conscience à une une île fragile, intermittente, parfois submergée par l’infini océan de l’inconscient. L’inconscient est un vaste contenu psychique qui fait partie du Soi. Le Soi, c’est l’entièreté de l’individu et de sa vie psychique, avant même l’émergence de la conscience. L’inconscient ne s’arrête jamais, c’est un rêve permanent, ininterrompu, qui échappe à la conscience. Sur les plages de la petite île de la conscience, l’inconscient dépose certains contenus.

Pour Jung, l’inconscient préexiste à la conscience. Pour Freud, ce serait plutôt l’inverse : l’inconscient est une « poubelle » où l’on retrouve ce qui est refoulé. Alors que pour Jung, loin d’être une poubelle, l’inconscient est une source de connaissance. La vie psychique commence avant le Moi et le conscient. Être conscient, c’est percevoir et reconnaître le monde extérieur ainsi que soi-même dans ses relations au monde extérieur.

Mandala peint par Jung et publié dans son Livre rouge

Le neuropsychiatre Antonio Damasio définit la conscience par la subjectivité et l’expérience intégrée.

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La subjectivité est la première et indispensable composante de la conscience. C’est un processus qui résulte d’une perspective propre à nos images et des SENTIMENTS qui sont issus de ces images et qui les accompagnent. Rappelons ce que nous avons défini lors de l’épisode précédent : les SENTIMENTS sont la perception des émotions. Ils sont les images de nos états internes et leurs interprétations.
La position de nos portails sensoriels et l’image d’ensemble de notre corps, la sensation perçue de notre propre corps, se combine à la perception de nos émotions pour faire émerger notre subjectivité. Les sentiments sont donc les états mentaux centraux, les plus fondamentaux. Je cite Antonio Damasio : « Lorsque les sentiments, qui décrivent l’état du vivant, sont « situés » au sein de la perspective actuelle de l’organisme dans son ensemble, alors la subjectivité émerge. Et à partir de ce moment, les événements qui nous entourent et auxquels nous participons (et les souvenirs que nous nous remémorons) sont investis d’une nouvelle capacité : ils peuvent importer à nos yeux, influencer le cours de notre vie. » Avec la subjectivité, l’esprit charge les événements d’une certaine importance.

Les émotions et les sentiments sont donc la source de la motivation. Les émotions et leur perception font partie des fondations de l’esprit, de la conscience, de l’intelligence, de la rationalité.

« émotion » vient du latin motio, qui signifie mouvement. L’origine du mot « motivation » est similaire : il dérive de movere, qui signifie « mouvoir ». L’émotion est le mouvement à l’intérieur de nous, il est une transformation interne. La perception de ce mouvement ainsi que la conscience de cette perception entraînent d’autres mouvement par lesquels l’être vivant, motivé, exprime ses capacités mentales, sa volonté et son degré de créativité.

Ma corolle des émotions, que j’utilise avec mes élèves. Je suis assez satisfaite de cette représentation, même s’il faudrait plutôt une fleur en trois dimensions, au moins, pour que ce soit vraiment correct… Je regrette que l’on ne retienne souvent que la joie, parmi les émotions positives. 🙁 En revanche, on n’oublie jamais les négatives, hein ! (Vice Versa, par exemple… Mais A. Damasio lui-même aussi !) Or, je trouve extrêmement important de savoir reconnaître et savourer la tendresse, l’intérêt, l’enthousiasme et la sérénité, qui ne se réduisent pas à de simples nuances de la joie.

♪ tapis : « The Mother’s Portrait », BO Le chant de la mer

Sans perception de nos émotions, nous nous transformons en pierre, comme les êtres magiques dans le film d’animation Le Chant de la Mer de Tomm Moore. Dans ce film inspiré des légendes irlandaises et écossaises, la sorcière-hibou Macha capture les sentiments des êtres magiques – à commencer par ceux de son fils, le géant Mac Lir – car elle ne supporte plus de le voir souffrir. Macha enferme les émotions et sentiments des êtres magiques dans des bocaux. Dans ces bocaux, les sentiments prennent la forme de nuages, de soleils, d’arc-en-ciel, de tornades ou de pluie… Les êtres magiques privés de leurs émotions et sentiments sont changés en statues de granit. Macha draine et enferme ses propres émotions : on peut dire qu’elle aspire à l’ataraxie, c’est-à-dire à une paix de l’âme provoquée par le détachement complet, voire l’indifférence et l’insensibilité. Or, Macha s’est elle-même pétrifiée à demi ; elle n’est pas plus sereine, mais elle est devenue irrationnelle et fait le mal autour d’elle. Les bocaux de Macha renvoient au bocal rempli de médicaments que la grand-mère des héros du film prend pour s’apaiser.

Macha aspire sa colère.

Les êtres magiques pétrifiés attendent la délivrance censée venir grâce au chant de la Selkie, la femme qui a le pouvoir de se transformer en phoque grâce à son manteau. Le chant de la Selkie doit briser les bocaux et libérer les émotions pour redonner au monde magique sa fluidité et lui permettre de poursuivre son histoire. La Selkie doit dé-pétrifier les êtres magiques et libérer leurs esprits en leur redonnant leurs émotions. Car il n’y a pas de vie sans émotions. Et sans sentiments, il n’y a pas de conscience.

Petit fanart du Chant de la mer par moi

♪ virgule : « Over The Rainbow », Melody Gardot

Alors que les réponses émotionnelles se déclenchent automatiquement, d’une manière involontaire et inconsciente, les sentiments, eux, constituent une étape dans l’édification de la conscience. Là où les sentiments commencent, la conscience commence… Et peut-être avec elle un nouveau degré de liberté.

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Après cette première composante de la conscience qu’est la subjectivité, voyons la seconde composante qui est l’intégration des expériences. Cette intégration des expériences nécessite de saisir ce qu’est le cours du temps… Comme si l’esprit, comme processus, devait se saisir lui-même par deux approches différentes. L’esprit doit effectuer une double opération. Cette opération relève de l’approche analytique : il faut distinguer les instants les uns des autres. Et en même temps, il faut pouvoir insérer ces instants successifs dans un cours unique : il faut pouvoir replacer ces instants dans un même tout, ces instants que notre pensée analytique a séparés.

Cette intégration des expériences requiert l’agencement narratif des images. Il requiert leur coordination. Cet agencement narratif s’appuie sur la mémoire, et aussi, chez l’être humain d’une manière très forte, sur le langage. Pour Bergson, la conscience est un trait d’union entre le passé et l’avenir.

L’intégration des expériences et la subjectivité ne correspondent pas à des zones particulières du cerveau. Il y a pas de localisation précise de la conscience, pas de siège cérébral unique, même s’il est possible de localiser certaines activités liées à la production d’éléments d’où la conscience émerge.

L’image est l’unité de base de l’esprit. L’agencement des images permet la construction de nos sentiments et de nos représentations du monde. L’agencement des images, rendu plus sophistiqué par la structure du langage, crée des récits. Ces récits peuplent un nouveau monde : le monde des histoires. La manipulation de ces images, le dévoilement de structures sous-jacentes à des ensembles d’images grâce aux métaphores et aux symboles, relèvent de la faculté d’imagination et d’abstraction ; un pas de plus vers la complexité et l’esprit créateur de culture.

Et maintenant, une première pause musicale, l’esprit tourné vers les étoiles, avec Melody Gardot.

♪♪♪ pause musicale : « Les étoiles », My One and Only Thrill, Melody Gardot

Melody Gardot © Laurence Laborie

Sentiments, raison et rationalité

Vous êtes bien sur Radio Campus, dans Artborescience, l’émission qui fait exploser les bocaux maléfiques pour les libérer les émotions.

♪ tapis : « Le pont transbordeur », BO Les demoiselles de Rochefort, Michel Legrand

Les sentiments, en plus d’être les éléments fondamentaux de l’esprit, nourrissent l’imagination – c’est-à-dire la capacité à produire des images mentales – et stimulent le processus de raisonnement.

Dans la lignée de Spinoza, Antonio Damasio écrit : « La traditionnelle opposition entre les affects et la raison provient d’une vision étroite des émotions et des sentiments, qui seraient principalement négatifs et capables de troubler les faits et le raisonnement. En réalité, émotions et sentiments sont les indispensables carburants du processus intellectuel et créatif. »

Plus que des carburants, ce sont même des éléments nécessaires à l’émergence des processus intellectuels et créatifs. Une capacité de raisonnement coupée des émotions ne peut permettre à la personne d’exercer des choix rationnels ou bons pour elle, puisque la source primaire de motivation a disparu ou dysfonctionne. Les sentiments sont à l’origine de toute réflexion : ils orientent la pensée, permettent à l’intellect d’opérer des choix, de hiérarchiser des informations, d’établir des priorités, d’orienter l’exercice de synthèse. Ils jouent également un rôle crucial dans les processus de mémorisation.

Cela nous fait penser à la fonction « Sentiment » telle que Carl Gustav Jung la définit… Eh oui, Jung… Encore lui. Jung a défini quatre fonctions cognitives qui structurent notre esprit : Sensation, Pensée, Sentiment et Intuition. Pour simplifier, disons que la fonction Sensation nous place dans le présent et nous permet de percevoir ce qui est ; la fonction Pensée émet un jugement sur la nature de la chose perçue, un jugement qui se veut objectif ; la fonction Sentiment émet un jugement subjectif : elle lie l’objet et sujet, et nous dit si cette chose est bonne ou non pour nous et pour les autres, et enfin la fonction Intuition extrapole : elle imagine d’où vient la chose et où elle va.
La fonction Sentiment est donc celle qui s’intéresse à la valeur des choses. Elle est liée au sens esthétique et éthique. On peut l’associer à l’intelligence émotionnelle, intra- et intersubjective. Elle est la fonction par laquelle le sujet perçoit ses émotions et gère ses sentiments, par laquelle le sujet donne un sens et une valeur aux choses et aux événements afin de construire une intelligence cohérente, en interaction avec les trois autres fonctions, également indispensables.

Mandala représentant les fonctions cognitives de Jung, que j’ai peint à la gouache en 2016 (cliquer pour agrandir)

Blade Runner, Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?

♪ tapis : « Blade Runner Blues », Blade Runner OST, Vangelis

C’est pour illustrer cette importance des sentiments et de la fonction Sentiment que les androïdes interviennent.

Androïdes et Réplicants

En 1968 est publié le roman de Philip K. Dick, Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, qui sera adapté au cinéma par Ridley Scott en 1982 sous le titre de Blade Runner. Le héros, Rick Deckard, est un chasseur de primes recruté pour supprimer plusieurs Nexus-6 disparus dans la nature.

Les Nexus-6 sont des androïdes extrêmement sophistiqués conçus pour ressembler aux humains et pour les égaler voire les surpasser dans leurs capacités intellectuelles. Dans le film, ils sont décrits comme étant aussi intelligents que les généticiens qui les ont conçus… Les généticiens de la compagnie Tyrell. La compagnie vend ses androïdes comme « plus humains que l’humain ».

Rick Deckard résume ainsi le fonctionnement des androïdes : ils ont des émotions, mais pas de sentiments. Cela a besoin d’être nuancé.
Si l’on considère, à l’instar d’Antonio Damasio, les émotions comme les changements qui surviennent à l’intérieur de l’organisme, comme l’état momentané d’homéostasie, alors les androïdes ont forcément des émotions. Ils ont un corps qui, outre sa forme extérieure, présente un fonctionnement similaire à celui des humains. Roy, le chef des Nexus 6, le dit dans le film : « On n’est pas ordinateurs. On est vivants. »

Ils sont vivants parce qu’ils ont un corps qui peut mourir, un corps qui doit se nourrir, qui doit respirer pour pouvoir s’auto-organiser. Un Nexus comme tout autre être vivant doit maintenir sa structure en se nourrissant d’entropie négative. De plus, les Nexus perçoivent leurs changements internes, c’est-à-dire leurs émotions. Leur système nerveux est similaire à celui des humains : il est suffisamment sophistiqué pour générer des images, et notamment des images de leur état intérieur. La perception de ces émotions, c’est ce qu’Antonio Damasio appelle les sentiments.

Ils éprouvent donc des sortes de sentiments – mais ces sentiments, ainsi que leurs réponses émotionnelles, diffèrent de ceux des humains. Sans doute en raison, d’une part, d’un corps à la physiologie différente, une physiologie artificielle – qui dit corps différent dit états internes différents et donc émotions et sentiments différents – et, d’autre part, en raison probablement de leur développement qui n’a rien de commun avec celui d’un être humain. Les androïdes n’ont jamais été enfants. Les androïdes ont de faux souvenirs, qui ont été implantés dans leur esprit. Les androïdes ne vivent que 4 ans.

Il manque notamment à ces androïdes une forme d’empathie. C’est ce que mesure le test de Voigt-Kampff.

Les empathies

Serge Tisseron, psychiatre et docteur en psychologie, a publié de nombreux ouvrages, notamment des ouvrages autour de l’empathie. Je précise au passage que Serge Tisseron est également psychanalyste. (j’en dirai deux mots en fin d’article*, car la psychanalyse m’embête)

Serge Tisseron distingue plusieurs sortes d’empathie, qui se développent à des âges différents.

L’empathie affective apparaît en premier vers l’âge d’un an. C’est la capacité à identifier les émotions d’autrui, notamment à travers les expressions du visage. Vient ensuite l’empathie cognitive, vers l’âge de 4 ans. C’est la capacité à comprendre intellectuellement pourquoi l’autre ressent ce qu’il ressent. Elle permet d’adopter un autre point de vue que le sien. C’est la capacité à se mettre intellectuellement à la place de l’autre.

L’association de l’empathie affective et de l’empathie cognitive permet le développement de l’empathie mature, entre 8 et 12 ans. C’est une forme d’empathie complète, qui permet de se mettre réellement à la place de l’autre. C’est ce qu’on désigne en général par empathie tout court. L’empathie affective ou l’empathie cognitive seules n’y suffisent pas.

Cette empathie mature est nécessaire pour que se construisent la compassion et la bienveillance. L’empathie n’est pas synonyme de bienveillance, mais elle en est une condition nécessaire. Serge Tisseron explique d’ailleurs, dans ses ouvrages, comment l’empathie peut être retournée contre elle-même.

♪ tapis : « Love Theme », Blade Runner OST, Vangelis

La bienveillance est permise par des formes d’empathie particulières qui sont des éléments de l’empathie mature. Outre les deux aspects affectif et cognitif, l’empathie peut se concevoir comme une sorte de pyramide à trois étages. Je cite Serge Tisseron : « L’empathie peut en effet être représentée sous la forme d’une pyramide constituée de trois étages superposés, correspondant à des relations de plus en plus riches, partagées avec un nombre de plus en plus réduit de gens. »

L’identification est le premier étage de la pyramide de l’empathie mature. Elle consiste à comprendre le point de vue de l’autre (c’est l’empathie cognitive) et ce qu’il ressent (c’est l’empathie émotionnelle ou affective). Cette identification ne nécessite pas de reconnaître à l’autre la qualité d’être humain. Cette première marche de l’empathie est unilatérale.
Le deuxième étage de l’empathie est la reconnaissance mutuelle. Elle fonde la réciprocité.
Je cite toujours Serge Tisseron : « La reconnaissance mutuelle a trois facettes : reconnaître à l’autre la possibilité de s’estimer lui-même comme je le fais pour moi (…) ; lui reconnaître la possibilité d’aimer et d’être aimé (c’est la composante des relations d’objet) ; lui reconnaître la qualité de sujet du droit. » Finalement, la reconnaissance mutuelle, c’est reconnaître l’autre dans sa qualité de sujet tout court.
Enfin, le troisième étage de l’empathie est l’intersubjectivité. Elle consiste à reconnaître à l’autre la possibilité de m’éclairer sur des parties de moi-même que j’ignore.»

* La psychanalyse n’est pas une discipline scientifique. Elle est à l’origine de dérives très regrettables et même graves qui sévissent encore. Je considère la psychanalyse comme une matrice tissées d’obsessions personnelles de Freud, dans laquelle on peut trouver, à la marge, quelques traces d’intuitions justes. D’ailleurs, quand j’évoque la psychologie analytique de Jung (qui est à distinguer de la psychanalyse dont Freud est le fondateur), c’est en tant qu’élément de culture pop et spirituelle, et pas en tant que science.

Illustration à venir !

Le fonctionnement des androïdes

Les androïdes ne sont donc pas privés de toute forme empathie, mais ils sont privés d’empathie mature, ou du moins des étages supérieurs de l’empathie mature. Ils font preuve tout de même d’empathie cognitive et de la capacité d’identification. C’est ce qui leur permet de manipuler les autres.

Alors qu’il pourchasse l’un des androïdes en fuite, un chasseur de prime nommé Resch, que Deckard rencontre au cours de son aventure, doute un instant de sa propre humanité. La contemplation du Cri de Munch trouble le chasseur de prime. Il le décrit ainsi :
« Le tableau représentait une créature oppressée, chauve, avec une tête en forme de poire inversée, les mains crispées d’horreur sur les oreilles, la bouche ouverte en un vaste cri silencieux. Le tourment de cet être, les échos de son cri, se répandait en vagues tortueuses dans l’air alentour. L’homme – ou la femme, qui qu’il en fût – se trouvait comme enfermé à l’intérieur de son propre hurlement. Il s’était bouché les oreilles pour ne pas entendre sa voix. La créature se tenait sur un pont, sans personne autour d’elle ; elle criait sa solitude. Isolé par – ou malgré – son hurlement. »
— Je crois, observa Resch, que c’est ce qu’un andro doit ressentir.
Il se mit à tracer dans les airs des circonvolutions évoquant le cri de la créature du tableau. »

L’empathie et la sympathie ouvrent à de vastes espaces que les androïdes ne peuvent que difficilement entrevoir. Ils peuvent alors éprouver cette sensation d’oppression, ce sentiment de solitude d’un monde mental clos sur lui-même, d’un monde affectif embryonnaire.

Deckard pense ceci de l’androïde Rachel : « Peut-être est-ce un trait d’androïde. Aucune conscience émotionnelle, aucune compréhension de la signification profonde de ce qu’elle dit. Juste une approche intellectuelle formelle, creuse, des divers termes de son discours » qui fait que Rachel aborde des thématiques profondes et graves avec une légèreté étonnante.

♪ tapis : « Epiphanies », Battlestar Galactica OST, Bear Mccreary

Le sentiment religieux puissant que manifestent certains androïdes intervient peut-être comme une sorte de compensation. La forte religiosité de Roy dans le film Blade Runner a peut-être inspiré celle des Cylons de la série Battlestar Galactica des années 2000. Les Cylons connaissent une histoire comparable à celle des androïdes ou Réplicants : ce sont des robots qui atteignent un perfectionnement tel qu’ils deviennent vivants et dotés d’un psychisme. En se rapprochant toujours plus de l’être humain, ils finissent par acquérir une intelligence qui n’est plus seulement artificielle. Grâce à un corps qui leur permet d’avoir des émotions, le sentiment survient, et la conscience avec lui. Pourtant, les humains refusent toujours la qualité de sujet à ceux qu’ils appellent « les grille-pains ». Il faut dire que les Cylons sont particulièrement vindicatifs et n’ont pour autre ambition que d’éradiquer l’humanité, mus qu’ils sont par une inspiration d’origine religieuse. Les Cylons ont développé une religion monothéiste, tandis que les colonies humaines sont polythéistes. Bien que connaissant les émotions et les sentiments, les Cylons ont des sentiments différents de ceux des humains, des sentiments sociaux différents : les sentiments d’une espèce qui procède d’un esprit de ruche.

Comparaison avec le mythe du vampire

L’androïde est conçu comme un prédateur chez Philip K. Dick : un androïde est un ersatz d’humain auquel il manque une forme d’empathie. L’androïde a donc une capacité très limitée à produire des sentiments ; mais il est doté d’une intelligence mécanique très efficace, ce qui en fait un prédateur cruel et redoutable. Cette intelligence et l’empathie cognitive lui permettent de manipuler et de mentir efficacement.

Dans le film Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve, les androïdes sont considérés comme dépourvus d’âme. On peut envisager un parallèle avec le mythe du vampire, ou du moins certaines de ses variations. Un vampire est un humain damné qui a perdu son âme pour devenir le prédateur des humains. Dans la série Buffy contre les vampires, certains vampires présentent un intellect très performant, des compétences stratégiques très développées, mais ils n’ont plus d’âme et plus aucune empathie. Leurs sentiments sont tronqués ; ils deviennent pervers.

Attention, divulgations dans ce qui suit !

Angel est le seul vampire doté d’une âme. Il s’agit d’une malédiction que des bohémiens lui ont infligée suite au meurtre de l’une d’entre eux. Le retour de son âme a pour effet de le torturer en raison du remords éprouvé pour tous les crimes qu’il a commis en tant qu’Angelus, l’un des vampires les plus cruels et les plus rusés. Malgré leur absence d’âme et leur absence de sentiments humains, les vampires ressentent le plaisir de tuer, et pour Angélus le plaisir de torturer.

La malédiction des bohémiens ne s’arrête pas là : Angel a retrouvé son âme mais il est condamné à la perdre de nouveau lorsqu’il connaîtra leur bonheur parfait. Cela se produit lorsqu’il connaît le véritable bonheur dans le lit de Buffy, la tueuse de vampires. Angel redevient Angelus et nous montre toute l’étendue de sa perversité.

Comparaison avec le mythe du démiurge

L’idée d’une âme absente ou tronquée, qui caractériserait des prédateurs de l’humanité, rappelle un mythe comparable à celui des vampires et autres morts-vivants : celui du démiurge des gnostiques. La gnose chrétienne a beaucoup inspiré Philip K. Dick, notamment pour sa trilogie divine.

Des textes apocryphes, qui dateraient du IIe siècle, évoquent un démiurge usurpateur nommé Yaldabaoth. Ce démiurge s’affirme comme le créateur de notre monde, alors qu’il ne fait que le pervertir. Les véritables dieux sont hors de la portée de ce démiurge ; Yaldabaoth est aveugle à cette réalité supérieure. Sa mère, Sophia, est une de ces entités divines (Eons, émanations de la source divine) ; mais dans sa chute vers la matière, elle a engendré cet être incomplet et narcissique qu’est le démiurge.

Le démiurge aurait engendré des archontes, seigneurs du monde matériel. Les archontes sont dépourvus d’étincelle divine et veillent à ce que l’étincelle divine des êtres humains reste occultée, étouffée… La pointe de l’âme est en effet commune aux êtres humains : cette fine pointe est ce qui les relie à la divinité – c’est leur part d’éternité. Mais elle est cachée sous une couche de crasse, une couche d’ignorance entretenue par le démiurge.

Kundaliel, Angel of Ophiuchus, par Peter Mohrbacher.
Sa forme m’a rappelé un peu certaines descriptions de Yaldabaoth : un serpent ailé à tête de lion.

Démiurge et divin, entropie et chaos

Dans ses romans de la trilogie divine, Philip K. Dick évoque la « noire prison de fer » dans laquelle sont enfermés les êtres conscients. Dans le roman SIVA – et là je résume de mémoire et avec mon prisme personnel – Philip K. Dick explique que cette prison est un monde matériel perverti, issu de la mort de l’une des deux divinités jumelles à l’origine du cosmos. La partie féminine est morte et a engendré un monde mort, celui dans lequel nous sommes enfermés. Ce monde mort, c’est l’univers voué à l’entropie. C’est aussi un univers soumis à une mécanique aveugle, un monde froid, sans création. Un monde déterministe.

Au-delà de ce monde, il devrait exister le vrai monde, le monde tel qu’il devrait être : un monde vivant et créatif. Cela nous rappelle la durée de Bergson, cette durée qui est comme la mélodie motrice d’un univers en perpétuelle création, un Univers qui engendre sans cesse de la nouveauté, des formes inédites, complexes et belles.

Dans L’Invasion divine, l’enfant Emmanuel, appelé aussi Yah – une sorte de pseudo-avatar de Yahvé – dialogue avec la jeune femme Zina. Zina semble incarner la Sagesse divine ou la Shekinah (présence de Dieu sur Terre).

Emmanuel dit à la belle Zina : « Ils [les humains] ne savent pas qui ils servent. C’est la base de leur infortune : servir la chose qu’il ne faut pas. Ils sont empoissonnés comme par du métal. Du métal qui les enferme et du métal dans leur sang ; c’est un monde de métal. Une machine dont tournent les rouages pour distribuer la souffrance et la mort.
Il y a deux réalités. La Noire Prison de Fer, qui est appelée la Caverne aux trésors, où nous vivons maintenant ; et le Jardin des Palmiers avec ses espaces immenses, sa lumière, où ils habitent originellement. Aujourd’hui, ils sont aveugles. »

Zina ne souscrit à cette simple division. Elle dit avoir contribué à créer d’autres mondes, ce qu’Emmanuel conteste : en bon démiurge, il pense être le seul à pouvoir créer. Yah-Emmanuel ne jure que par la loi de la nécessité. Pour Emmanuel, le monde de Zina est une illusion. « Tout ce qui est existe, parce qu’il doit en être ainsi ; parce qu’il ne peut en être autrement. » Ainsi, Yah se rapproche du démiurge, celui pour qui seule existe la loi mécanique.

Zina Pallas propose une vision toute autre : les souhaits et les rêves portent leur part de vérité. Il y a deux formes d’illusion : l’illusion maléfique de Bélial, celle qui occulte et qui trompe ; et l’illusion magique : le sortilège qui fait fleurir la nouveauté dans le monde, le sortilège qui réalise les souhaits parce que les souhaits existent.

Le nom de Zina signifie Fée, mais Zina est la présence immanente de Dieu, sa face féminine. Emmanuel est sa face masculine, la part transcendante séparée du monde. Zina peut produire des sons que Yah ne peut produire : les sons de la clochette qui provoque l’éveil, grâce à sa beauté. Sa couleur est le magenta, et son rayon rose donne la révélation. Les portes qui mènent à son royaume sont dans le rapport du nombre d’or.

Aquarelle de 2019 : Zina-Pallas en bas à gauche, Philip K. Dick en haut à droite, frappé au front par le rayon magenta. La colombe du final de Blade Runner.

♪ virgule : « Over The Rainbow », My One And Only Thrill, Melody Gardot

En réalité, comme nous l’avons vu dans les deux premiers épisodes de cette émission sur la théorie du chaos et la théorie de l’émergence, le chaos permet la création de l’ordre (au sens de complexité) , au niveau local – au prix d’un désordre global qui serait croissant. Il y a création de nouveauté et de complexité par dégradation de l’ordre environnant. La vie se nourrit d’entropie négative.

Carl Gustav Jung a été beaucoup lu par Philip K. Dick : il achetait ses œuvres complètes à mesure qu’elles paraissaient, nous raconte Emmanuel Carrère dans la biographie de Dick : Je suis vivant et vous êtes mort. Jung, dans son livre rouge, écrit que « quelque chose de mal est attaché à la création du nouveau ». Ce quelque chose de mal, c’est cet entrelacement nécessaire entre l’ordre et ce que Jung nomme « le chaos ». Cela le plonge dans la confusion. Ce chaos, qui terrifie et subjugue Jung, n’est pas simplement synonyme de désordre pour lui. Ce chaos se rapproche un peu de notre chaos physique, car il est une puissance de transformation. Il ne s’oppose pas diamétralement à l’ordre, mais il s’oppose au rationnel, au déterminé. Ce chaos est une multitude, une hétérogénéité totale qui échappe à la raison, qui ne peut qu’en déborder. Nous repensons encore à la durée de Bergson.

Finalement, on peut se demander si ces deux mondes – le monde mécanique et mort dans lequel nous serions enfermés, et le monde vivant situé au-delà – ne correspondent pas à deux visions du mondes, deux états, deux sentiments – un état dépressif et un état joyeux.

L’ensemble de Mandelbrot

L’empathie et les troubles de la personnalité

♪ tapis : « The Divine Dream », Lighting Returns : Final Fantasy XIII OST

Les androïdes, les vampires et les archontes, comme tout antagoniste, peuvent se concevoir comme les représentations des aspects sombres de notre personnalité, ou encore des représentations de notre part mécanique, déterministe. C’est notre intelligence qui, séparée de notre empathie et de notre créativité, tourne à vide et engendre de l’absurdité et de la laideur, au lieu de contribuer à l’amplification et la diversification de la beauté du monde.

Ou bien, ils peuvent se concevoir comme les hyperboles de certains troubles de la personnalité. Des personnalités dénuées d’empathie mature. L’absence d’empathie chez un être humain caractériserait les personnalités antisociales, parmi lesquelles les psychopathes et les sociopathes. Il s’agit d’une absence d’empathie mature, et de ses étages supérieurs surtout.

Il n’y a cependant pas que les psychopathes qui souffrent d’un défaut d’empathie mature. L’empathie est sélective et peut-être instrumentalisée. Quand l’autre est objectivé, chosifié, l’empathie d’identification peut être tout de même conservée.

Serge Tisseron en donne cet exemple – je le cite : « Tout d’abord, les nazis n’avaient pas renoncé, vis-à-vis des Juifs, au premier niveau de l’empathie, soit la capacité d’identification. Prenons l’exemple du film Inglourious Basterds de Quentin Tarentino (2009), qui le fait bien comprendre. Le nazi, capable de s’identifier aux Juifs, comprend où ces derniers se cachent, les trouve et les fait exécuter sans aucun état d’âme, car il ne les reconnaît pas comme des êtres humains semblables à lui. Face à eux, il se trouve dans l’empathie du premier niveau, sans éprouver celle du deuxième (empathie réciproque) et encore moins du troisième niveau (empathie extimisante).
Le film de Steven Spielberg, La Liste de Schindler (1993), donne un autre exemple. Une architecte juive explique à un nazi que les baraquements pour les déportés sont mal construits et vont s’effondrer. Le nazi appelle alors ses subordonnés et leur ordonne : « Vous avez bien compris ce qu’elle a dit. Faites-le, reconstruisez ces baraquements ! », puis il la tue d’une balle en pleine tête. Il ne veut pas imaginer qu’une relation de réciprocité puisse exister entre elle et lui. Il accepte de bénéficier de son savoir, mais exclut toute communication humaine avec elle. Dans le nazisme, ce qui est en cause, c’est une empathie de premier niveau (celui de l’identification) et une lutte contre la tentation de l’empathie de deuxième et troisième niveaux. »

L’absence d’empathie mature entraîne une incapacité à développer certains sentiments, et entraîne ainsi une incapacité plus générale : une incapacité à développer harmonieusement l’ensemble de ses fonctions cognitives. L’individu ne peut pas s’individuer. L’individu est prisonnier d’un monde clos sur lui-même, prisonnier de son propre esprit aveugle à la moitié du monde, comme le démiurge Yaldabaoth. Il est privé de l’essentiel de sa créativité et de sa capacité à se transformer lui-même. Il est dans une sorte de stase, comme le vampire immortel mais éternellement pervers.

Les psychopathes performants, tels les archontes rejetons du démiurge, sont ceux qui dominent notre monde. Ce sont les magouilleurs avides qui peuvent se gaver sans aucun remords dans leur paradis individuel en voyant autrui survivre misérablement ou crever dans les bidonvilles.

Ces vampires réels ne peuvent apprécier la réussite d’une vie qu’à l’aune du succès matériel et individuel. La gentillesse, la bienveillance et l’honnêteté sont considérés par eux comme des marques de faiblesse, tout comme l’empereur Palpatine considère le côté lumineux de la force comme de la faiblesse… Simplement parce que dans leur intelligence hémiplégique, ils sont aveugles à l’essentiel.

♪ virgule : « The Sea », Morcheeba

Les androïdes pourraient référer à un autre trouble de la personnalité, bien distinct de la psychopathie : le trouble schizoïde. C’est un trouble dont Philip K. Dick pensait peut-être souffrir, comme il a supposé souffrir aussi de schizophrénie… Il me semble qu’il a consulté plusieurs psychiatres qui, tous, ont porté un diagnostic différent.

La personnalité schizoïde perçoit mal les émotions : celles d’autrui, mais surtout les siennes. Elle souffre ainsi d’une sorte de déficit de sentiments, ce qui entraîne des difficultés d’adaptation dans les rapports sociaux, une froideur apparente, et des difficultés de communication. Ainsi, les personnalités schizoïdes peuvent sembler manquer d’empathie. Les personnalités schizoïdes ne présentent pas du tout la méchanceté des psychopathes ; ce qui trouble leur faculté d’empathie est d’une autre nature. Leur empathie est plutôt entravée, contrariée ; mais pas absente ou perverse.

Le sentiment provoqué par la contemplation du tableau de Munch nous semble renvoyer à la souffrance de la personnalité schizoïde, à son sentiment de solitude, sa frustration, son sentiment d’enfermement… à sa lucidité finalement, le sentiment que quelque chose lui manque ou plutôt que quelque chose en elle ne parvient pas à se manifester, à s’épanouir. D’où le sentiment d’être prisonnier d’une cellule étroite et froide, d’une sorte de prison de fer. Le psychopathe, quant à lui, n’éprouve pas cette solitude, ce sentiment de manque… car lui manque justement ce qui lui permettrait de percevoir ce qui lui manque.

Et maintenant, la deuxième pause musicale avec « L’homme sans trucage » du groupe Dyonisos. « L’homme sans trucage » fait partie de l’album La mécanique du cœur, qui sonorise le roman du même nom écrit par Mathias Malzieu, chanteur du groupe.

♪♪♪ pause musicale : « L’homme sans trucage », Jack et la Mécanique du cœur, Dyonisos

Image du clip de « L’homme sans trucage »

Bergson et Jung : fonctions psychiques et complémentarité des approches

Les androïdes, les vampires et l’empereur Palpatine possèdent une intelligence mécanique efficace mais qui, déconnectée d’autres fonctions cognitives essentielles, ne leur permet d’accéder ni à la rationalité ni à la supra-rationalité. Cette intelligence, qui n’est pas orientée par une palette riche de sentiments et qui n’est pas irriguée par une empathie réciproque, est stérile en un certain sens. Car, nous l’avons vu, le Sentiment est ce qui permet d’orienter la Pensée. Le Sentiment se situe à la source de la motivation.

Bonjour, Monsieur le sociopathe.

♪ tapis : « So tender », Keith Jarrett

Henri Bergson distingue deux formes de « Pensée » (pour reprendre la référence à la fonction de Jung) : l’intelligence et l’intuition.

Bergson donne un sens restreint au terme d’intelligence qu’il emploie. Bergson désigne par « intelligence » l’intelligence analytique qui décompose le réel en fragments. Cette intelligence appréhende le monde d’une manière déterministe. Elle est essentielle à la pensée scientifique et technique. Si cette intelligence permet d’élaborer des modèles et de dégager des lois qui servent à expliquer et prévoir une part des phénomènes observés, elle ne permet pas de comprendre la vie et l’esprit. Elle ne peut penser le mouvement et la durée. L’intelligence spatialise le temps, par nécessité pratique. Or, le temps spatialisé, quantifié, découpé en tranches, ce n’est pas la véritable durée qui est motrice du changement ; cette durée qui est une hétérogénéité qualitative.

L’intelligence a d’abord une fonction pratique. Nous sommes des êtres vivants façonnés par l’évolution, adaptés à un environnement particulier auquel l’intelligence est adaptée. L’intelligence n’est pas faite pour saisir le Réel, ou en tout cas pas la totalité du Réel ; elle est faite pour saisir le Réel uniquement dans la mesure où cela nous a permis d’arriver au point de notre évolution actuelle.

Ainsi, cette pensée, qui a d’abord une fonction pratique, est même pour Bergson en contradiction avec l’essence du Réel. L’essence du Réel étant d’être fluide et mouvante. L’intelligence, c’est la manière humaine de penser : c’est-à-dire limitée de l’espèce humaine.
On peut la rapprocher de la fonction Pensée de Jung, même si les deux concepts ne se recoupent sans doute pas totalement. Petite parenthèse : Bergson aurait notablement influencé Jung ; ainsi, je m’autorise le parallèle. En 1914, Jung aurait écrit : « Quand j’ai lu Bergson pour la première fois, il y a un an et demi, j’étais ravi d’y trouver tout ce que j’avais découvert moi-même concrètement, mais exprimé par lui dans un langage accompli et un style philosophique clair. »*

Bergson écrit, dans La pensée et le mouvant :
« Notre intelligence est le prolongement de nos sens. Avant de spéculer, il faut vivre. Et la vie exige que nous tirions partie de la matière, soit avec nos organes, qui sont des outils naturels, soient avec les outils proprement dits qui sont des organes artificiels. Bien avant qu’il y eut une philosophie et une science, le rôle de l’intelligence était déjà de fabriquer des instruments et de guider l’action de notre corps sur les corps environnants. La science a poussé ce travail de l’intelligence beaucoup plus loin, mais elle n’en a pas changé la direction. Elle vise avant tout à nous rendre maîtres de la matière. Même quand elle spécule, elle se préoccupe d’agir ; la valeur des théories scientifiques se mesurant toujours à la solidité de la prise qu’elle nous donne sur la réalité. Mais n’est-ce pas là précisément ce qui doit nous inspirer une confiance en la science positive et en l’intelligence, son instrument. Si l’intelligence est faite pour utiliser la matière, c’est dans la structure de la matière sans doute que s’est modelée celle de l’intelligence. C’est du moins l’hypothèse la plus simple et la plus probable. »

L’être humain est-il donc condamné à l’aveuglement en raison de cette intelligence limitée ? Non, selon Bergson. Car il existe une autre forme de pensée : une forme de pensée qui nous rend capable d’appréhender la vie, l’esprit et la durée. Cette forme de pensée, c’est l’intuition.

Bergson définit ainsi l’intuition dans La Pensée et le Mouvant. Elle est « la sympathie intellectuelle ou spirituelle par laquelle on se transporte à l’intérieur d’un être pour coïncider avec ce qu’il a d’unique et par conséquent d’inexprimable ». Alors que l’intelligence est contre la vie, l’intuition suit la vie, elle la saisit.

« L’intelligence est laborieuse, l’intuition est fulgurante. » L’intuition porte sur des objets spirituels. Sa principale fonction est la vision directe de l’esprit par l’esprit. L’intuition rompt avec l’intelligence, mais en même temps elle la complète. Elle la dépasse, elle la transcende.

Image à venir !

D’après Frédéric Worms, professeur de philosophie contemporaine, « l’intuition, que Bergson nomme parfois « l’intuition intellectuelle », est un acte de volonté et d’intelligence ; elle dépasse les deux. » Cependant, l’intelligence peut nous faire oublier notre intuition. Cela rappelle un peu la fonction Intuition de Jung, même si encore une fois, les deux idées ne se recouvrent pas parfaitement. L’Intuition de Jung est l’une des quatre fonctions cognitives qu’il définit : c’est l’éclair qui relie notre conscience au vaste océan de l’inconscient ; elle nous éclaire ainsi d’une manière profonde sur le sens des choses et des événements, sur leurs origines et leur devenir. C’est la fonction de la pensée philosophique.

L’intuition, dans son sens courant, désigne une façon immédiate de connaître ou se pressentir les choses. Elle est à distinguer de l’instinct, qui consiste en « une faculté naturelle d’utiliser un mécanisme inné », pour employer la définition de Bergson.

L’intuition bergsonienne est aussi une méthode, ce qui peut sembler contradictoire avec son aspect fulgurant. Elle est au cœur de la démarche philosophique, car «  l’intuition est ce qui atteint l’esprit, la durée, le changement pur. Son domaine propre étant l’esprit, elle voudrait saisir dans les choses, même matérielles, leur participation à la spiritualité. » (Données immédiates de la conscience)

Même s’il insiste sur les limites de l’intelligence, Bergson n’est pas contre l’intelligence : il critique le fait de ne pas parvenir à « penser autrement qu’en espace », le fait de ne pas parvenir à considérer un autre temps que le temps spatialisé, le temps quantifié. L’intelligence doit se laisser compléter par l’intuition au lieu d’étouffer cette dernière : c’est la seule manière de prendre en compte la totalité du réel.
Bergson critique les automatismes et l’enfermement dans une pensée qui quantifie tout en oubliant la qualité d’une création permanente. Il critique le fait de mettre en parallèle le temps et l’espace… Car, je cite Frédéric Worms : « Penser dans l’espace, c’est juxtaposer des réalités homogènes ; c’est en fait suivre la démarche spontanée de l’intelligence calculatrice : le nombre est une réalité spatiale. »

Image plus tard !

Les Furtifs d’Alain Damasio : intuition contre pensée spatialisée

Dans le roman Les Furtifs d’Alain Damasio, un personnage incarne parfaitement cet enfermement dans une pensée spatialisée : c’est le chasseur de Furtifs Nér Arfet.

Les Furtifs sont des créatures invisibles en transformation perpétuelle. Un Furtif qui arrête de se transformer, c’est pratiquement un Furtif mort. L’armée a recruté et formé des chasseurs spécialisés pour récolter des informations sur ces êtres qui sont une sorte de quintessence de ce qu’est la vie.

Nèr mise tout sur l’optique, tandis que pour sa collègue Saskia, la « traque » des Furtifs doit être phonique. Saskia donne ainsi son point de vue : « Le sonore est un art de la durée. Donc du mouvement et de l’émotion : c’est la même racine. Tu te fonds dans un flux, tu nages en pleine rivière. Tu accompagnes la métamorphose progressive des sons, tu les épouses. Tu deviens en même temps ce que tu écoutes. L’optique est par contre un art de l’espace. A mes yeux. Ça consiste à fixer et à figer le monde à un instant t. On se tient dans le froid, le spéculaire, la distance, la maîtrise. Et quand ça bouge, on est dans le contrôle. On checke des coordonnées, des trajectoires, des vecteurs. L’optique relève pour moi du pouvoir. Profondément. S’il le pouvait, Nèr voudrait immobiliser cette salle, la tenir sous sa supervision éternelle. En tout cas, je le ressens comme ça. Moi, je crois à l’écoute, Lorca. À l’accueil du monde. Parce que lorsqu’on écoute, on partage quelque chose avec quelqu’un qui l’exprime, qui s’expose. »

L’esprit de Saskia est ouvert et souple. Celui de Nèr, fermé et rigide. Cela finit par conduire Nèr aux abords de la folie, car l’on ne peut côtoyer longtemps les furtifs si l’on est possédé par l’esprit de contrôle. Son intuition est étouffée, cette intuition qui lui permettrait de résonner avec la continuité de la durée, génératrice de nouveauté, avec la créativité de l’univers et la sienne même.

Henri Bergson s’accorde avec Saskia lorsqu’il écrit : « Penser intuitivement est penser en durée. L’intelligence part ordinairement de l’immobile et reconstruit tant bien que mal le mouvement avec des immobilités juxtaposées. L’intuition part du mouvement, le pose ou plutôt l’aperçoit comme la réalité même et ne voit dans l’immobilité qu’un moment abstrait, instantané, pris par notre esprit . La pensée se représente ordinairement le nouveau comme un arrangement d’éléments préexistants : pour elle rien ne se perd et rien ne se crée. L’intuition, attachée à une durée qui est croissance, y perçoit une continuité ininterrompue d’imprévisible nouveauté. Elle voit, elle sait que l’esprit tire de lui-même plus qu’il n’a. Que la spiritualité consiste en cela même. Et que la réalité, imprégnée d’esprit, est création. »

A l’instar des vampires, des archontes, des machines, Nèr semble privé de cette faculté aussi magique que naturelle qu’est la métamorphose intérieure. Ou du moins, cette transformation lui est extrêmement difficile. L’intuition est le principal pilier de la créativité, et la bienveillance en est un moteur  – une créativité qui permet d’agir sur l’extérieur mais surtout sur nous-mêmes. La métamorphose intérieure, l’autodétermination (« détermination » en un sens « physique » ; et pas du tout « l’autodétermination » dans un sens politique assez ultra-libéral voire libertarien – ce n’est pas du tout l’idée ici),  c’est la vraie magie.

La culture, c’est ce qui nous donne des clés pour ouvrir les portes successives de ce chemin métamorphose. Les livres, les films, les séries, sont pleins de formules magiques à s’approprier, à assimiler, à coucher sur notre palette sentimentale. À ajouter sur notre trousseau pour progresser dans notre quête personnelle.

L’émergence de la culture, c’est ce dont nous parlerons la prochaine fois !

Le temps m’a manqué dans cette émission pour commencer à pénétrer la sphère de la culture et celle d’un esprit collectif… Je sous-estime toujours le temps dont j’ai besoin. Le docteur Faust, les histoires autour du feu, L’Histoire sans fin de Michaël Ende, le chemin du désir, les rapports entre le corps et l’esprit avec les daemons de A la croisée des mondes – His dark materials. Tout cela sera pour les épisodes suivants.

Les prochaines émissions nous donnerons aussi l’occasion de rencontrer à nouveau Les Furtifs d’Alain Damasio et la durée de Bergson.

Références

(pas présentées en bonne et due forme, en raison d’un manque de courage)

Les ouvrages déjà cités pour l’émission précédente :

  • Antonio Damasio, L’ordre étrange des choses
  • Henri Bergson, œuvres tome 1, édités chez Le Livre de poche, collection la Pochothèque – et en particulier Essai sur les données immédiates de la conscience et L’Évolution créatrice

Les ouvrages et articles introduits pour cette émission :

  • Le bergsonisme, de Gilles Deleuze, édité chez PUF
  • L’homme à la recherche de son âme, de Carl Gustav Jung
  • Un entretien réalisé dans le cadre de la parution de l’ouvrage de Serge Tisseron, L’Empathie, au cœur du jeu social, chez Albin Michel (2010) que l’on peut retrouver sur Cairn.fr : L’empathie, au cœur du jeu social, Serge Tisseron et Henri-Pierre Bass , Dans Le Journal des psychologues 2011/3 (n° 286), pages 20 à 23
    https://www.cairn.info/revue-le-journal-des-psychologues-2011-3-page-20.htm
  • L’émission de France Culture : Les Chemins de la philosophie : « Bergson, La Pensée et le mouvant », Invité : Frédéric Worms
  • Des textes gnostiques : Evangile de Thomas, Evangile de Marie, Evangile de Philippe, commentés par Jean-Yves Leloup
  • Article où l’influence de Bergson sur Jung est évoquée : Dangers de la compréhension psychanalytique, George Bright, Dans Cahiers jungiens de psychanalyse 2002/3 (n° 105)
    (je rappelle que je n’aime la psychanalyse mais que j’aime bien Jung, qui aimait bien Bergson, qui lui aimait bien Spinoza, etc.)

Autres ouvrages ou autres références plus culture POP évoquées plus ou moins rapidement :

  • le film Le Chant de la mer de Tomm Moore
  • Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de Philip K. Dick
  • le film Blade Runner de Ridley Scott
  • le film Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve
  • la série Battlestar Galactica (celle des années 2000)
  • la série Buffy contre les vampires, de Joss Whedon
  • La trilogie divine de Philip K. Dick
  • Inglourious Basterds de Quentin Tarentino et La Liste de Schindler de Steven Spielberg (références employées par Serge Tisseron)
  • Le saga Star Wars
  • Les Furtifs, roman d’Alain Damasio

Quelques références vidéoludiques capillotractées :

  • Le magnifique jeu GRIS, du studio espagnol Nomada Studio – Pour l’importance des émotions et sentiments, et les magnifiques couleurs qui leur sont associées dans ce jeu d’une très grande beauté. Et très court si on n’a pas pour ambition d’attraper tous les systèmes solaires
  • Le jeu Journey, que je rapprocherai de Les androïdes rêvent-ils… pour des éléments concernant la condition humaine telle qu’elle est représentée notamment par Mercer, cette espèce de messie, condition humaine qui est au cœur de toute l’histoire : la puissance et l’impuissance de l’être humain, une puissance qui finalement de nous appartient pas, qui apparait comme un don temporaire ; la solitude et l’empathie, l’ascension périlleuse d’une montagne sacrée… Alors oui, c’est tiré par les cheveux, mais Journey c’est un jeu chouette. Très court aussi.
  • Pour le plaisir, une petite liste des JV qui s’inspirent plus ou moins directement et explicitement du mythe gnostique du démiurge, ou qui peuvent nous y faire penser : Xenogears, Xenosaga, Xenoblade Chronicles, Final Fantasy XIII, Lighting Returns, Bayonetta, Catherine, Persona 5 et plusieurs jeux de la saga Shin Megami Tensei. Et j’ajouterais même Final Fantasy VII, Final Fantasy X

Retrouvez sur senscritique.com ma liste « Parfum gnostique dans les jeux vidéo »

A bientôt pour l’émergence de la culture !

One thought on “Artborescience S1 ep4 : l’émergence du psychisme

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