Les huit trésors du cerveau : présentation

Les huit trésors du cerveau : présentation

Tous les ans, en début d’année, un rappel sur le rôle de l’école nous amène à découvrir les premiers trésors du cerveau. La découverte des trésors suivants jalonne le reste de l’année. Chacun de ces trésors correspond à un personnage animalier, à des jeux de découverte et d’entraînement ainsi qu’à des exercices emblématiques.

L’objectif est de développer la métacognition des élèves et d’entraîner les fonctions cognitives pour elles-mêmes. L’objectif est d’apprendre comment on apprend et comprend. Les élèves saisissent ainsi plus profondément le sens de leurs apprentissages dans toutes les disciplines.

Apprendre que tout le monde possède tous ces trésors dans son cerveau s’avère motivant et valorisant pour les élèves. On explique que c’est grâce à tous ces trésors que l’on est intelligent-e et que l’on apprend – pas grâce à un seul pris isolément. C’est quand tous ces trésors fonctionnent bien ensemble que l’on développe sa créativité et sa faculté de compréhension.

On explique aussi que l’on peut avoir des trésors qui sont plus forts que les autres, des trésors plus faibles : c’est différent selon les personnes. Parfois, certains trésors peuvent poser de grandes difficultés (notamment quand on souffre de certains troubles). Or, on peut entraîner les trésors pour les renforcer, chacun à son niveau. Quand un trésor se renforce, il contribue aussi à renforcer les autres.

J’ai dessiné les animaux, mais j’ai lâchement utilisé des émoticônes pour les symboles, ce qui n’est pas très bien, dans l’absolu.

C’est le sens de ce « nœud » au cœur du dessin récapitulatif à colorier : les trésors ont nécessairement besoin des autres. Ils ne peuvent pas exister et fonctionner seuls. Certains sont même si proches les uns des autres qu’ils se superposent partiellement.

Les huit trésors que je propose correspondent principalement à plusieurs fonctions cognitives fondamentales, et en particulier à certaines fonctions exécutives.

Les quatre premiers trésors comptent la mémoire (ou plutôt les mémoires) ainsi que les trois fonctions de contrôle cognitif : l’attention, l’inhibition et la flexibilité. J’ai commencé à travailler sur cette triade suite à une formation suivie en été 2020 sur M@gistère.

Les quatre autres trésors sont des ajouts de mon cru.

Dans l’ordre approximatif de leur découverte (certains sont découverts en même temps, et l’ordre peut varier pour certains), les huit fonctions-trésors sont :
1 – l’attention 🎯
2 – la mémoire 👜
3 – la réflexion (le contrôle inhibiteur) ⛔️
4 – la flexibilité 🎷
5 – l’imagination 🦋
6 – les sentiments 💗
7 – la volonté 🏹
8 – la logique 💎

Dans cet article, je tâcherai de définir succinctement chacun de ces trésors et de décrire les activités qui permettent leur mise en lumière en classe. Je pourrai compléter ceci par de futurs articles, avec des listes d’activités pour chaque trésor et/ou des définitions approfondies pour chacun d’entre eux.

Le coloriage récapitulatif format A3, en PDF :

1 – L’attention

🎯 L’attention est une fonction de contrôle cognitif qui permet aux autres fonctions de contrôle (comme l’inhibition et la flexibilité) de se mettre en branle. Je dis aux enfants que sans un minimum d’attention, les autres trésors ne peuvent pas fonctionner. C’est pour cela que je la présente en premier.

Le hibou, avec sa loupe, parle tout de suite aux enfants, tout comme l’image de la cible. Lorsque je demande aux CP ce que signifie « l’attention », ils me répondent : « c’est être concentré sur quelque chose », « c’est écouter », «  c’est regarder ». Derrière tout cela, il y a l’idée (correcte) d’un objet unique sur lequel on se focalise (une attention partagée entre plusieurs objets est forcément une attention altérée), et l’idée de distractions alentours qu’il faut ignorer (inhibition).

L’attention dépend très étroitement de la motivation (7 – volonté) et du contrôle inhibiteur (3 – réflexion) : la volition (7 – volonté) pour porter son attention sur un objet choisi, puis l’inhibition pour faire le tri, pour parvenir à ignorer les stimuli qui interfèrent.

L’attention peut être happée ou volontairement dirigée – happée comme par un écran, ou volontairement dirigée comme sur les pages d’un livre. Les stimuli mouvants et colorés des images portées par l’écran attirent automatiquement l’attention sans qu’un effort soit requis ; conséquemment, détourner son attention de l’écran demande un certain effort. Il est difficile de se concentrer dans une pièce où un écran est allumé, encore plus avec un volume sonore important. Il est difficile de se concentrer dans une classe quand il y a trop de mouvements d’élèves, surtout s’ils sont brusques ; de même pour le bruit.

Dans certains cas, malgré les efforts et de bonnes capacités d’inhibition générale, il se peut que les stimuli ne soient pas bien filtrés – les stimuli sensoriels, notamment, ce qui se rencontre fréquemment chez les personnes souffrant de troubles du spectre autistique. C’est aussi le cas quand on est misophone, ce que personnellement je connais bien ! Je ne peux pas travailler (vu que je ne peux même pas supporter de rester) dans une pièce avec un bruit de trotteuse d’horloge. Outre certains bruits spécifiques et le brouhaha en général, je suis gênée (euphémisme) par certaines lumières, certaines sensations tactiles et plus marginalement par certaines odeurs. D’ailleurs, je suis incapable de comprendre ce que l’on me dit dans le brouhaha. Si tout cela empêche la maîtresse de bien travailler, il en va de même pour des élèves, en particulier des élèves ayant un TSA, un TDA(H) ou d’autres troubles.
Pour toutes ces raisons, j’insiste en classe pour conserver une ambiance calme, fréquemment silencieuse. (ce qui n’est pas simple à obtenir !)

Pour exercer l’attention en classe, j’aime bien travailler sur la reconnaissance des chants d’oiseaux. Quant aux jeux de société, Dobble et Bazar Bizarre me semblent assez adéquats (je reparlerai de Bazar Bizarre pour la flexibilité).

Plusieurs niveaux de reconnaissance des chants d’oiseaux. Ci-dessus, la fiche du niveau 4. Je les publierai toutes, un de ces quatre.

2 – La mémoire

👜 La mémoire, c’est plusieurs trésors en un : quelques bibliothèques et une fonction exécutive.

a) La mémoire est à la fois un contenant, un contenu et la capacité à remplir le contenant. Il faudrait même mettre tout cela au pluriel, puisque que le terme de « mémoire » englobe plusieurs bibliothèques-galeries-mines-tiroirs-sacs-comme-vous-voulez aux fonctions variées : mémoire épisodique (autobiographique), mémoire sémantique, mémoire procédurale… Ces mémoires à long terme sont un des premiers trésors du cerveau qui nous révélons en classe, en début d’année, lorsque j’invite les élèves à partager leur plus beau souvenir des vacances d’été.

Contenant et contenu : c’est pourquoi, dans le « mandala », la mémoire est représentée par un sac à main et les perles d’un collier que l’on range à l’intérieur. Le personnage, Madame Mémoire, est une éléphante : les élèves ont déjà tous entendu l’expression « avoir une mémoire d’éléphant » !

b) Le terme de mémoire recouvre également une fonction exécutive : la mémoire de travail, qui comprend la mémoire à court terme.

La mémoire à court terme permet de stocker un certain empan d’informations durant une trentaine de secondes. Quant à la mémoire de travail, elle est plus complexe : elle consiste en la capacité de manipuler des informations stockées dans la mémoire à court terme. Les professionnels aptes à faire passer ce genre de tests évaluent souvent la mémoire à court terme par la récitation, dans l’ordre, d’une suite de nombres qui vient d’être entendue. La mémoire de travail est quant à elle évaluée par la récitation d’une suite d’éléments en sens inverse.

La mémoire à court terme se développe très rapidement dans la petite enfance, tout comme les autres fonctions exécutives. Leur développement est fulgurant entre 3 et 6 ans, d’où l’importance de construire en environnement propice à l’école maternelle (ce qui semble assez inatteignable avec des effectifs aussi chargés…). Ces fonctions atteignent leur maximum d’efficience entre 25 et 35 ans, avant de décliner légèrement.

Un déficit de mémoire à court terme est largement pénalisant et peut entraîner, chez la personne qui en souffre, un accablant sentiment d’incompétence. Une faible mémoire de travail empêche un élève, par exemple, de bien comprendre et d’appliquer de manière autonome les consignes d’un exercice. Ce déficit engendre des difficultés à suivre un récit, à accompagner les camarades dans certains jeux… A suivre les autres dans leurs activités, d’une manière générale.

En classe, nous entraînons la mémoire à court terme par des petits jeux oraux, comme le jeu de la valise : chaque élève, à tour de rôle, doit annoncer quel objet il met dans la valise après avoir redonné la liste, dans l’ordre, de tous les objets rangés par les élèves précédents.

On peut aussi faire l’épreuve du « Burger de la mort » du Burger Quiz – là, on fait travailler la mémoire de travail, la «boucle phonologique» et le «calpin visuo-spatial» qui permettent de maintenir en mémoire des informations importantes.

Cela dit, réalité, ce que l’on entraîne avec ces exercices est plutôt l’attention et la capacité à réaliser des « chunks », c’est-à-dire des ensemble d’informations sémantiquement groupées pour constituer un seul objet d’encombrement de l’empan. L’empan lui-même ne peut pas vraiment augmenter par entraînement. En effet, les études semblent montrer que le développement volontaire par entraînement des capacités de la mémoire de travail est très limité. En revanche, une meilleure connaissance générale du vocabulaire et du sens de concepts de base permet de fluidifier la mémoire de travail, favorise la compréhension et la capacité à créer des liens, et donc des chunks.

Une autre activité qui entraîne la mémoire à court terme, par le truchement évoqué ci-dessus, ainsi que la capacité à former des images mentales (5 – imagination) est la réalisation d’un dessin suite à une courte description donnée oralement par l’enseignant-e. Cela peut être un bon précurseur à la réalisation de schémas dans le cadre de la résolution de problèmes.

3 – La réflexion (contrôle inhibiteur)

⛔️ Ce que j’appelle « réflexion » avec les élèves est le contrôle inhibiteur, l’inhibition cognitive, appelée aussi inhibition créatrice par Olivier Houdé.

Voici le jeu qui, en classe, nous fait découvrir le contrôle inhibiteur : le jeu de l’imitation contrariée. Première phase : je propose trois gestes différents. Il faut m’imiter simplement lorsque je produis un geste. D’abord lentement, puis je change de geste de plus en plus vite. Deuxième phase : je produis un geste, et les élèves doivent produire l’un des deux gestes que je ne fais pas. On se rend compte que c’est très difficile, parce « le cerveau a très envie d’imiter ». Résister à cet automatisme nécessite un grand effort de réflexion !
Jacadi est aussi un jeu qui joue sur l’inhibition, tout comme Chameau-Chamois.

« L’inhibition est une forme de contrôle cognitif et comportemental qui permet aux sujets de résister aux habitudes, aux automatismes, aux tentations, aux distractions ou aux interférences, et de s’adapter aux situations complexes par la flexibilité. » « Réfléchir, c’est résister à soi-même. » (Olivier Houdé, L’inhibition au service de l’intelligence – Penser contre soi-même, Presses Universitaires de France, 2000).J’ai représenté l’inhibition par un paresseux parce que réfléchir implique de s’arrêter et de prendre du temps. Les enfants aiment tout particulièrement « Monsieur Pause », et qui n’a pas ri devant Flash de Zootopie ? Surtout, le paresseux est suspendu tête en bas, ce qui lui permet de voir les choses sous un autre angle ! Pour l’émoticône du mandala, c’est un hamac. Comme il n’y a pas de vrai émoticône hamac, c’est devenu un sens interdit dans le corps de l’article.

Le test emblématique de l’inhibition cognitive est le test de Stroop, le test avec les noms des couleurs écrits avec une couleur qui ne correspond pas au nom de la couleur écrite, qui fonctionne à condition que la lecture soit parfaitement automatisée – un petit tour sur wikipedia si vous ne le connaissez pas – https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_Stroop

Pour reconnaître les lettres b, d, p, q, et pour écrire les lettres dans le bon sens, l’élève doit inhiber l’automatisme d’identifier (dans le sens « reconnaître comme identiques ») les formes en miroir. Il faut désactiver cet automatisme pour activer un autre « algorithme » qui tient compte de l’orientation de la forme, vers la droite ou vers la gauche.
Quand on s’apprête à enclencher, d’une manière automatique, une stratégie qui n’est pas adaptée (faire une simple addition des termes, par exemple, pour résoudre un problème multiplicatif), alors on s’arrête, on repense notre manière de concevoir le problème (réflexion) et on change de stratégie (ça, c’est la fonction suivante : 4 – flexibilité).
Idem quand on voit un camarade faire une bêtise : on a peut-être très envie de l’imiter spontanément, mais on réfléchit avant d’agir. A l’école, les occasions d’utiliser le paresseux « Monsieur Stop » ou « Madame Pause » sont quotidiennement très nombreuses !
Idem quand on s’apprête à exploser de colère et à frapper un camarade qui nous a « nargué »…

Comme toutes les autres fonctions, l’inhibition est complexe et comprend des sous-fonctions. Elle permet de sélectionner des informations pertinentes pour focaliser son attention sur elles et exercer sa flexibilité. Elle permet aussi de gérer ses émotions, de cultiver et de diriger ses sentiments, en lien étroit avec notre sixième trésor du cerveau.

Olivier Houdé écrit que cette inhibition créatrice est LA clé de l’intelligence. Je l’ai même entendu dire que l’on pouvait quasiment résumer l’intelligence à cette fonction. Cependant, on pourrait tout aussi bien affirmer que l’intelligence, c’est l’imagination, la logique ou tout autre trésor… En la matière, tout est un peu dans tout ; tous les trésors se reflètent les uns dans les autres, comme les perles du reflet d’Indra. Être intelligent-e, c’est tisser un beau filet avec tous ces trésors. Cependant, la clé de voûte de tout apprentissage semble bien se trouver dans l’inhibition.

4 – La flexibilité

🎷 Quatrième trésor de notre liste et troisième fonction de contrôle cognitif, la flexibilité suit logiquement l’inhibition.
Après s’être arrêté et avoir résisté pour ne pas agir de manière inadéquate, il faut agir de manière adéquate. La flexibilité entre en jeu : c’est l’écureuil volant qui plane de branche en branche, de stratégie en stratégie, guidé par la réflexion. Par exemple : faire une multiplication au lieu d’une addition dans le cadre d’un problème multiplicatif.
L’émoticône associée est le saxophone, pour l’idée d’improvisation dans le jazz.

Un jeu de société très amusant que j’aime beaucoup et qui permet de bien exercer son contrôle inhibiteur et sa flexibilité cognitive : Bazar Bizarre, édité chez Gigamic.
J’y ai beaucoup joué avec ma fille, et les élèves l’apprécient. La version de base de Bazar Bizarre est adaptée à partir de 6 ans. Bazar Bizarre junior est adapté aux plus petits, à partir de 3 ans. J’ai testé la version junior en classe de maternelle, et ça fonctionne bien !

Quant aux jeux « défis nature » de Bioviva, que j’aime beaucoup, ils ne font pas beaucoup travailler la flexibilité (peut-être un tantinet), mais outre le fait qu’ils apprennent plein de choses aux enfants, celui-ci a le mérite de mettre notre avatar de Madame Flexible à l’honneur :

5 – L’imagination

🦋 L’imagination est la capacité à créer des images mentales. Je la présente aux élèves comme le trésor grâce auquel on « fabrique des images dans sa tête ».

Elle permet de constituer, d’une part, des cartographies mentales fondées sur des objets concrets. Ces images internes font partie, selon le neuropsychiatre Antonio Damasio, des composantes de base du psychisme. (Antonio Damasio, L’ordre étrange des choses, Odile Jacob, 2017)

D’autre part, l’imagination constitue une fonction de l’abstraction, car il s’agit également de cartographier les relations entre des symboles, des significations et autres objets abstraits. J’y inclus donc la planification, puisqu’il s’agit de créer l’image mentale d’éléments répartis dans le temps selon une articulation causale. Les problèmes mathématiques font ainsi partie des lieux d’exercice privilégiés de l’imagination, conjointement à l’inhibition et à la flexibilité.

Pour travailler l’imagination et la sérendipité, j’ai ma séance d’arts plastiques favorite : les animaux dans les taches d’encre ou de peinture. Cette séance initie une séquence qui aboutit à la représentation 3D. J’y travaille depuis mon année de stage, et j’en ai conçu plusieurs versions. Je compte bien rédiger un article là-dessus, voire sortir une vidéo (durant l’été peut-être) !


Production d’élève à partir de taches symétriques de peinture obtenues par pliage, photocopiées puis repassées au pastel à l’huile

D’ailleurs, je propose aux élèves de choisir l’un des animaux qu’ils ont fait émerger lors de cette séquence pour produire leur représentation symbolique personnelle de ce trésor.

Pour ma part, je le représente par un chat-dragon qui emprunte quelques caractéristiques à mes chers compagnons ronronnants.

6 – Les sentiments

💗 Les sentiments sont, au même titre que les cartographies évoquées précédemment, les éléments de base du psychisme. Les sentiments sont produits par notre perception de nos émotions. (toujours selon Antonio Damasio, L’ordre étrange des choses, Odile Jacob, 2017). Ainsi, émotions et sentiments sont deux choses différentes, mais souvent utilisées comme synonymes dans le langage courant. Avec les élèves, dès le CP, nous parlons de la différence entre :

→ les sensations, que nous sentons avec le corps (chaud, froid, faim, soif, fatigue, énergie) et avec les organes des cinq sens (perceptions sensorielles),
→ et les émotions, que l’on ressent à la fois avec l’ensemble de son corps et « dans sa tête » (tristesse, colère, tendresse, dégoût, intérêt, peur, sérénité – je ne reprends pas les émotions de base d’A. Damasio ; je tiens à mon petit système à huit émotions de base!)
→ les sentiments, qui apparaissent quand on « se rend compte » de nos émotions. Les sentiments sont plus compliqués, ils sont davantage « dans la tête » que les émotions. On évoque cela rapidement, mais en concluant que la différence est difficile à faire. Avec des CM, il est possible d’approfondir la distinction, mais ce devrait être l’objet d’un autre article.

Les sentiments, en tant que perception et conscientisation des émotions, sont une condition nécessaire du développement de notre conscience et de la construction de notre intelligence. Les opposer systématiquement à la rationalité est une erreur. Notre raison ne se développe pas contre nos émotions et nos sentiments, mais par nos émotions et nos sentiments. (Antonio Damasio développe cette idée dans ses ouvrages L’erreur de Descartes et Spinoza avait raison, ce qu’il appuie encore dans L’Ordre étrange des choses)

Le sentiment constitue la fonction par excellence du sens.

Au sujet de l’importance des émotions et des sentiments dans l’édification du psychisme :
Artborescience saison 1 épisode 3 : l’émergence de la vie

Artborescience saison 1 épisode 4 : l’émergence du psychisme

Les sentiments donnent du sens à ce que nous recevons et à ce que nous produisons – le sens dans ses deux acceptions : signification et orientation. Les sentiments sont notre boussole fondamentale, sans laquelle on ne peut orienter nos pensées sur les cartes élaborées par l’imagination, et nos actions dans la réalité tangible.

De plus, les émotions cognitives – ou émotions épistémologiques – sont cruciales dans les processus d’apprentissage et la construction de l’intelligence. Olivier Houdé donne trois émotions cognitives fondamentales : la curiosité, le doute et le regret. (quelques éléments bibliographiques en fin d’article sur les émotions épistémologiques)

A partir du CE1, la fleur de vocabulaire est au cœur du travail sur les émotions et les sentiments : cette corolle comprend huit pétales principaux correspondant à mes huit émotions de base, dans lesquelles d’autres émotions et sentiments peuvent être classés. (pour plus de précisions, voir l’article dédié, que je compléterai davantage à l’occasion : ICI )

Cette fleur est complétée toute l’année par les sentiments rencontrés grâce à la poésie et aux lectures suivies, grâce à l’enseignement musical, la danse, les arts visuels, les spectacles et autres sorties scolaires… J’ai d’ailleurs choisi les cygnes en référence au poème de Maurice Carême « Le petit cygne » que j’aime pour sa manière d’exprimer la tendresse. J’explique aussi ce choix aux élèves par le fait que les cygnes, comme de nombreux oiseaux d’autres espèces, forment des couples fidèles toute leur vie et s’occupent avec grand soin de leurs petits. (comme pour l’imagination, je propose aux élèves de choisir leur propre représentation animalière symbolique de ce trésor)

L’enthousiasme, la curiosité, l’émerveillement, la surprise et autres émotions cognitives sont bien sûr les incontournables de cette corolle !

En CP, le rituel du matin est l’occasion pour les élèves dont c’est le tour de présenter leurs émotions au reste de la classe.

Avec les plus petits, j’aime bien travailler sur la reconnaissance des émotions dans les œuvres d’art (je n’ai pas encore mis les fiches en ligne. On pourra y accéder depuis ici : https://www.morganegrosdidier.com/theme-emotions-et-sentiments/ )

Je trouve aussi intéressant, pour favoriser l’empathie, de travailler sur la reconnaissance des émotions des animaux, en particulier les chats et les chiens avec leur grande expressivité corporelle, et les oiseaux avec leurs différents chants et cris.

Un chat apeuré et un phoque heureux, ainsi que l’atteste la posture de la banane (en réalité, cette posture aurait pour but de favoriser la conservation de la chaleur de la tête et de la queue en minimisant leur contact avec l’eau montante, mais cela indique tout de même que l’animal est assez détendu !)

On peut aussi travailler sur ces mêmes supports avec les plus grands, mais en ajustant la difficulté en demandant aux élèves, par exemple, de nommer les émotions en anglais.

7 – La volonté

🏹 Il paraît que « quand on veut, on peut ». Selon le contexte, cette phrase peut s’avérer bénéfique ou extrêmement nocive, encourageante ou au contraire extrêmement décourageante voire désespérante. En effet, la volonté n’est pas seulement une question de… volonté. Un lourd déterminisme est à l’œuvre. Cependant, comme les autres trésors du cerveau, on peut la travailler. Pour la travailler, il faut comprendre de quoi il s’agit.

La volonté est un terme dont les sens sont abstraits – ce serait passionnant à explorer, les acceptions philosophiques, théologiques et psychologiques de la volonté – mais cet article n’est pas un épisode d’Artborescience. (ça a déjà été vaguement mentionné, si je me souviens bien de ce que j’ai écrit, ce qui est peu probable malheureusement)

Avec les élèves, nous l’identifions à la motivation. Elle est comme un carburant émotionnel et intellectuel, les deux entremêlés, qui permet de fournir des efforts pour atteindre un but. La motivation permet la persévérance et favorise l’endurance.

La motivation dépend étroitement des émotions et des sentiments : enthousiasme, désir, détermination, intérêt pour un sujet, plaisir que l’on prend à effectuer une tâche, anticipation d’un résultat… Elle dépend également du bien être général de la personne, de son sentiment de compétence, de la confiance en soi. Un état dépressif se caractérise notamment par une grande perte de motivation, qui peut affecter l’ensemble de l’existence ou seulement certains pans de la vie, comme les relations sociales. Dire à une personne en dépression sévère « quand on veut, on peut » revient généralement à l’embourber plus qu’autre chose.
(c’est comme pratiquement tout : la phrase n’est ni à bannir ni à systématiser. Son emploi est une question de discernement et d’adéquation au contexte MAIS, en cas de gros doute, il vaut mieux s’abstenir, je pense)

Le travail avec la corolle des émotions et des sentiments peut trouver ici une sorte d’aboutissement.
Dans la corolle des émotions, on placerait la motivation dans l’intérêt, mais on pourrait la relier à de nombreux autres sentiments. On peut dire que c’est une émotion qui constitue un trésor du cerveau à part entière.

Nous pouvons distinguer deux sortes principales de sources de motivation : les sources intrinsèques (on parle de « motivation intrinsèque ») et les sources extrinsèques (« motivation extrinsèque »). Ces termes proviennent de la théorie de l’autodétermination de Deci et Ryan (2002).

La motivation extrinsèque est la motivation suscitée par des sources externes, de type carotte et bâton : l’incitation par la récompense, la dissuasion par la punition. Se comparer aux autres, vouloir être le ou la meilleure, vouloir gagner des bonbons ou de l’argent : c’est de la motivation extrinsèque.

Elle s’oppose à la motivation intrinsèque qui est nourrie par la curiosité, l’une des trois émotions cognitives dont avons parlé en 6 – sentiments. La motivation intrinsèque comprend le désir d’apprendre, le pur plaisir de faire, l’intérêt pour la tâche ou la matière elle-même. La motivation intrinsèque est donc une source motrice autonome, à cultiver pour elle-même. Puisqu’elle réside dans le plaisir et l’intérêt pour l’objet primaire de la motivation, et non dans des sources qui lui sont extérieures, elle est logiquement plus efficace : elle implique un engagement sincère et bien plus complet de la personne.

J’ai oublié d’en parler dans la vidéo, et cela est bien fâcheux : une manière assez simple de susciter la motivation est de donner une liberté de choix sur les tâches à effectuer. Par exemple, permettre aux élèves de choisir le poème à apprendre parmi deux ou plus. Avoir effectué un choix, même parmi une nombre d’options assez restreint, implique un engagement qui favorise la motivation directement.

Je pense que la découverte des trésors du cerveau est de nature à susciter une motivation intrinsèque. On agit pour se développer, on agit pour cultiver nos trésors qui sont peut-être ce que nous avons de plus précieux puisqu’ils contribuent à faire de nous ce que nous sommes, dans notre individualité et dans notre rapport au monde. Ils déterminent la qualité de notre rapport au monde, de notre manière d’être au monde.

Je n’ai pas encore regardé grand-chose parce que je viens juste les dénicher : il y a de nombreuses vidéos sur le thème « motivation et métacognition » sur la chaîne YouTube de Franck Ramus. Il semble y proposer de nombreux dispositifs pour favoriser la métacognition et engager la motivation des élèves, notamment par les méthodes d’évaluation : https://www.youtube.com/@FranckRamus1

J’y reviendrai sûrement dans un futur article, lorsque j’aurai (si j’ai) le temps d’en visionner !

J’ai représenté la Volonté par la maman ourse, car celle-ci est réputée pour son acharnement à poursuivre les importuns qui approchent ses petits de trop près. Je parle souvent du film Frère des ours à mes élèves, à ce moment-là.

8 – La logique

💎 J’y inclus deux choses :

1) Le pur raisonnement logico-mathématique, fondé sur des réponses binaires – d’où la pie, corvidé noir et blanc, animal très astucieux à l’instar des autres espèces de cette famille.

2) La capacité à organiser une pensée cohérente.

Voyons voir un peu ces deux points.

1) Le raisonnement logico-mathématique

Nous découvrons le sens strict de cette logique en CE1, même si je l’évoque déjà un peu en CP. Le travail sur les mesures de masse, avec la balance de Roberval, est une excellente occasion d’exercer la logique (sous forme d’un genre d’inéquation).
En CP, certains algorithmes à compléter peuvent bien s’y prêter aussi.

Voici quelques exemples de cartes sur les masses à comparer :Les cartes ci-dessus sont réalisées à partir des cartes de Bout de Gomme : http://boutdegomme.fr/maths-mesure-les-masses-a80426884

2)La capacité à organiser une pensée cohérente.

1) Commençons par la logique au sens restreint.
Il existe de nombreux jeux destinés aux enfants fondés sur la logique. On trouve maintenant partout les jeux SmartGames (j’aime beaucoup). J’ai découverte une nouvelle gamme de jeux de logique, avec du matériel zéro plastique pour celle-ci, éditée par Bankiiiz éditions et distribuée par Blackrock games : Gamme Logic, avec par exemple le mignon Birds (dont j’ai fait l’acquisition au festival Paris est ludique !) !*

2) Dans un sens large, le trésor de la logique consiste dans le raisonnement amenant à débusquer les contradictions dans un propos, à identifier certains biais, à tenir compte du réel, etc.
La tâche peut s’appliquer à une production d’écrit, quel qu’en soit le genre : on vérifie que les informations données ne se contredisent pas.

Proto-philo en classe

Le débat à visée philosophique, dont on aimait bien nous parler à l’ESPE – c’était l’ESPE à mon époque – pourrait constituer une activité phare permettant d’initier à une certaine rigueur intellectuelle qui correspondrait à ce trésor du cerveau de la logique.

Personnellement, je n’ai jamais vraiment organisé de tels débats en classe. D’ailleurs, dire que l’on ferait de la philosophie en élémentaire, ce serait vraiment mettre a charrue avant les bœufs, à mon avis. Cependant, on peut préparer, je pense, les fondations indispensables à la réflexion philosophique. Et on devrait même le faire. Il y a un temps pour tout.

Le travail sur la rigueur discursive en géométrie et sur les relations sémantiques entre les mots en étude de la langue sont pour moi des lieux privilégiés de la construction de ces fondations. On peut ensuite réinvestir cela en EMC, si l’on veut, par des débats à visée proto-philosophique. En insistant, en fait, non pas sur le fait d’apporter une réponse à une questions, mais sur l’importance de clarifier les termes de la question pour comprendre son enjeu.

Si on reprend l’un après l’autre trois lieux importants de proto-philo en élémentaire – toujours d’après mon avis –, ça donne :

1) L’importance de la rigueur en géométrie. L’importance de comprendre les définitions et d’être capable de restituer des définitions claires et complètes. Dès le CP, j’insiste sur l’importance de la clarté et de la précision du vocabulaire et de la syntaxe. La géométrie est idéale pour cela.

2) Le travail en vocabulaire, qui rejoint le travail en géométrie sur de nombreux points. En vocabulaire, on fait appel à la logique lorsque l’on étudie les relations sémantiques entre les mots. On travaille sur des relations entre des ensembles quand on aborde les termes génériques et spécifiques, quand on parle de synonymie et de polysémie.
La réflexion que l’on propose aux élèves quand on leur explique que tout carré est un rectangle mais que tout rectangle n’est pas un carré, je pense qu’elle est fondamentale et indispensable.
Les termes génériques et spécifiques, on les voit en géométrie avec les familles des figures, et on peut aussi les voir en science du vivant quand on parle des familles animales, par exemple…
En vocabulaire, on travaille le sens de la nuance. On réfléchit à notre rapport à la réalité lorsque l’on étudie le champ de pertinence d’une définition. Est-ce que ce n’est pas déjà de la philosophie, ça ? Ou en tout cas, de la proto-philo ?
Les élèves éprouvent le FAIT que pour communiquer mais aussi pour PENSER – juste pour pouvoir penser – nous avons besoin de définitions communes, claires, cohérentes, qui s’appuient sur ce qui existe objectivement. C’est-à-dire, sur ce qui est perceptible et intelligible par tout le monde, ce qui existe indépendamment de la perception que nous en avons.
Par exemple, les émotions, les sentiments et les pensées existent – ces objets sont subjectifs dans leur contenu amis ils existent objectivement. On n’a pas à reconnaître comme valide n’importe quelle pensée ou n’importe quel sentiment, ce qui n’empêche pas de reconnaître de ces pensées ou ces sentiments existent.

Depuis les premières définitions claires et assez concrètes que l’on assimile à l’école élémentaire, on peut cheminer – plus tard – vers des objets beaucoup plus abstraits et des concepts métaphysiques : graduellement, de proche en proche les définitions des premiers objets permettent de nourrir les définitions des suivants.
J’insiste là-dessus parce que même pour les adultes aujourd’hui, dans le débat public, c’est de moins en moins clair, ce point. C’est assez inquiétant.

3) Les distinctions faites entre sentiments, émotions, pensées ; entre automatismes et réflexion – c’est la métacognition qu’entend développer ce système des huit trésors du cerveau.
Également, distinction entre ce qui relève de tout ce monde psychique et ce qui relève du monde physico-physique, de la réalité objective. (évidemment, on n’emploie pas ces termes-là avec les enfants ; cet article s’adresse à des adultes :))

Petit avertissement pour un usage raisonné de ces trésors

Je pense qu’il faut faire attention à ne pas donner le sentiment aux élèves qu’ils ne sont qu’un cerveau, qu’ils ne sont qu’un ensemble de fonctions, etc. L’idée, c’est toujours de considérer tout cela comme les parties d’un tout, et de ne jamais réduire l’individu à un organe ou à un ensemble de fonctions. Je pense qu’il faut aussi éviter de donner une représentation purement mécaniste et réductionniste de ces fonctions, et du fonctionnement de l’être humain d’une manière générale. Il vaut mieux insister sur la qualité, plus que sur la puissance ou la vitesse, par exemple… Ne pas donner l’impression que nous sommes des sortes d’ordinateurs ou des machines. Surtout pas.

Cet écueil, je crois qu’on l’évite justement en insistant sur l’importance des sentiments et émotions, et en travaillant sur le sensible et le sensoriel. Nous ne sommes pas qu’un cerveau. Nous sommes à la fois notre corps dans son entier, et le psychisme qui émerge de ce corps dans son entier.

C’est une bonne conclusion.

Fin !

J’envisage de proposer, dans de prochains articles, quelques activités supplémentaires permettant de découvrir et d’entraîner chacun de ces trésors. Je compte aussi réaliser une vidéo qui compilerait tout cela. J’y reviendrai donc peut-être dans l’été, très probablement concernant le travail sur les sentiments ou sur la créativité avec les séances d’arts visuels.
Cependant, il y a une douzaine de vidéos que je souhaiterais publier cet été, que ce soit pour les rubriques Artborescience, symbologie… En plus du travail sur Musotopia et le reste. Il va falloir faire des choix. Ça fait plusieurs mois que le Trickster m’appelle avec insistance !

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Le lien vers la vidéo qui complète cet article, sur YouTube : https://youtu.be/v5UWtQISf-0

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Petite bibliographie incomplète et quelques liens

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Les jeux de société évoqués :

  • 🎲 Bazar Bizarre de Jacques Zeimet, Gabriela Silveira, édité chez Gigamic
  • 🎲 Dobble de Denis Blanchot, Jacques Cottereau, édité chez Zygomatic
  • 🎲 Burger Quiz, le jeu de société inspiré du jeu télévisé inventé par Alain Chabat et Kader Aoun
  • 🎲 Gamme logic : Birds, de Yoann Levet illustré par Rémi Leblond, BankiiiZ éditions, distribué par Blackrock
  • 🎲 Bioviva Défi Natures : superpouvoirs des animaux
    • J’aurai l’occasion d’en présenter encore d’autres !

🎲

Épisodes d’Artborescience liés au thème :

🌳

Les documents pour les élèves et la classe sur les trésors du cerveau :

Le PDF récapitulatif avec le mandala à colorier, en format A3

Le mandala en couleurs à imprimer, format A3

Les huit personnages des trésors à imprimer, chacun au format A4

3 réflexions sur « Les huit trésors du cerveau : présentation »

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