Artborescience S3 ep1 : Science-fiction pour la jeunesse

Artborescience S3 ep1 : Science-fiction pour la jeunesse

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Cet épisode a été diffusé le mercredi 1er septembre 2021 à 17h sur Radio Campus Clermont-Ferrand, disponible en podcast sur le site de la radio.

 

Les ouvrages évoqués dans cet épisode

 

Les romans de SF ou quasi-SF pour la jeunesse :

 

  • La longue série Animorphs, de Katherine Alice Applegate, éditée (mais pas rééditée) chez Flammarion (Folio Junior), 1997
  • Danielle Martinigol, Les oubliés de de Vulcain, Hachette, Le Livre de poche jeunesse, 1995, 2001
  • Xavier-Laurent Petit, Le Monde d’En Haut, Casterman poche, 1998, 2010
  • Kim Aldany, Kerri & Mégane – Les Mange-forêts, Nathan, 1994, 2005
  • Michaël Ende, traduction par Corinna Gepner, Momo, Bayard jeunesse, 2009 (première édition 1973)
  • Lucy Hawking, Stephen Hawking, traduction de Frédérique Fraisse, Georges et les secrets de l’Univers, Pocket Jeunesse, 2011
  • Christophe Galfard, la trilogie Le Prince des Nuages, Pocket Jeunesse, publiée entre 2011 et 2016
  • Alain Damasio, Scarlett et Novak, Rageot, 2021
  • Philip Pullman, La trilogie A la croisée des mondes éditée chez Gallimard Jeunesse

 

Autres récits :

  • Blandine Pluchet, Catherine Cordasco, Le Quark et l’Enfant, éditions Le Pommier, 2015
  • Hélène Montardre, Héphaïstos et l’amour d’Aphrodite, Nathan, 2020
  • Hélène Montardre, Prométhée, le voleur de feu, Nathan, 2020
  • ‎Willow, Le Voyage de Terre, Laure Nitschelm, 2015

 

Livres documentaires :

  • Victor Coutard, Pooya Abbasian, L’incroyable aventure de la génétique, Nathan, 2018
  • Patricia Laporte-Muller, Sophie Fromager, Chloe Germain, C’est quoi la Vie ? (1,2,3 partez !), Gulf Stream, 2019
  • Michael Bright, Darwin, l’origine des espèces, Circonflexe, 2020
  • 100 infos à connaitre sur l’évolution, Piccolia, 2013

 

Le texte de l’épisode

 

(vous remarquerez que je n’utilise pas le langage inclusif systématiquement et cela au sein d’un même texte, ce qui pose des problèmes de cohérence…je n’ai pas trouvé de solutions qui me satisfassent, encore)

Bonjour à toutes et tous !
Aujourd’hui, en ce mercredi 1er septembre, un épisode spécial rentrée. Dans ce premier épisode de la saison 3 d’Artborescience, je vous propose de découvrir quelques œuvres de SF destinées à la jeunesse.
Cette émission s’adresse à la fois aux jeunes, aux parents, aux enseignants et à tous les amateurs de science-fiction quel que soit leur âge.

♪ tapis : Howard Shore, « The Shire », Lord of the Rings OST

L’un des directeurs dont je fais la décharge, et qui a des CM1-CM2, a eu l’excellente idée de travailler cette année en lecture suivie sur le genre de la science-fiction. Autant vous dire que j’en suis ravie et que, même si les élèves ne travailleront pas avec moi en lecture suivie sur les ouvrages sélectionnés par le directeur, je me ferai un grand plaisir de revenir sur ces œuvres en vocabulaire, en sciences, voire en histoire des arts et en arts visuels.
A priori, je n’avais pas moi-même tant de références que cela  spécifiquement destinées à la jeunesse en science-fiction. Bien qu’il s’agisse de mon genre favori depuis une petite vingtaine d’années, je me suis mise à lire des romans assez tard : en milieu/fin d’adolescence.
Je lisais très peu de romans quand j’étais enfant. Je lisais principalement des ouvrages documentaires scientifiques et des récits mythologiques.
Il me semble que les seuls romans de science-fiction que j’ai lus avant l’adolescence, c’était les Animorphs de Katherine Alice Applegate. Et j’en parlerai en premier avant de présenter les trois ouvrages de qualité que mes CM vont étudier cette année. Je présenterai ensuite trois autres récits destinés à la même tranche d’âge : le temporel et à la fois intemporel Momo de Michaël Ende, puis deux romans à visée didactique que sont Georges et les secrets de l’Univers et Le Prince des nuages. Au passage, je parlerai d’une histoire didactico-poétique : Le Quark et l’enfant.
J’évoquerai la nouvelle Scarlett et Novak d’Alain Damasio, destinée aux plus grands. Je ne pourrai pas terminer l’émission sans dire un petit mot sur A la croisée des mondes, évidemment : je vous en rebats les oreilles depuis un moment.

1 – Les Animorphs

 

♪ tapis : Bear McCreary, « Something Dark Is Coming », Battlestar Galactica OST

Malheureusement, les Animorphs de Katherine Alice Applegate ne sont plus édités.
Cette série en 48 tomes, dont le premier tome a été publié en 1996, raconte les aventures d’un groupe d’adolescents qui sont les détenteurs d’un savoir terrible et d’un pouvoir extraordinaire. De ce savoir et de ce pouvoir découle une responsabilité écrasante. Ce qu’ils savent, c’est que l’invasion de la Terre par des extraterrestres malveillants est déjà bien avancée. Les Yirks sont des extraterrestres limaçoïdes qui asservissent les espèces intelligentes en parasitant leur cerveau. A l’échelle galactique, les yirks sont combattus par l’espèce la plus avancée : celle des andalites. Un soir d’été, alors que le groupe d’amis traverse un chantier de construction, il assiste au crash du vaisseau d’un andalite. Avant de mourir, cet être fascinant transmet aux adolescents son pouvoir : celui de se transformer en animal de n’importe quelle espèce. Pour cela, il suffit de toucher un animal une fois et de souhaiter adopter sa forme. Étant les seuls à connaître la teneur du danger qui menace l’humanité, les héros vont devoir se servir de leur nouveau pouvoir pour combattre les répugnants yirks.

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Durant mon année de stage, j’avais fait découvrir les Animorphs à mes CM par des lectures offertes, au moment où l’on travaillait sur le thème de l’animal-gardien en arts visuels. ça leur avait beaucoup plu. Les descriptions des sensations liées aux transformations, notamment des sensations de vol quand les héros se morphosent en oiseaux, sont très marquantes. J’avais trouvé passionnante aussi la façon dont les esprits des adolescents cohabite tant bien que mal avec l’esprit animal produit par leur corps morphosé. J’avais trouvé tout cela grisant en le découvrant quand j’étais enfant.

Cette année, la découverte des Animorphs coïncidera avec le thème de la classification des êtres vivants et l’évolution des espèces. Dans les programmes, cela correspond au grand thème « Le vivant, sa diversité et les fonctions qui le caractérisent » et à l’attendu de fin de cycle « Classer les organismes, exploiter les liens de parenté pour comprendre et expliquer l’évolution des organismes ». On parlera un peu de génétique, de transmission, de reproduction, puisqu’il est question d’ADN dans les Animorphs : les jeunes héros peuvent se transformer en exploitant l’ADN des animaux qu’ils ont absorbé en les touchant. (ils absorbent l’ADN, hein. Pas les animaux)

Voici quelques ouvrages documentaires que je compte exploiter en classe, qui sont tous graphiquement très beaux en plus d’être bien écrits :

  • Victor Coutard, Pooya Abbasian, L’incroyable aventure de la génétique, Nathan, 2018
  • Patricia Laporte-Muller, Sophie Fromager, Chloe Germain, C’est quoi la Vie ? (1,2,3 partez !), Gulf Stream, 2019
  • Michael Bright, Darwin, l’origine des espèce, Circonflexe, 2020
  • 100 infos à connaitre sur l’évolution, Piccolia, 2013

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♪ tapis : KPR Sounds, « Midsummer Evening Birds »

 

2 – Le Quark et l’Enfant

 

J’en profite pour dire un mot sur un récit qui n’est pas de la SF, mais un récit à la fois scientifique, didactique et poétique : Le Quark et l’Enfant. Le Quark et l’enfant – la grande histoire du monde est écrit par Blandine Pluchet et illustré Catherine Cordasco, publié par les éditions du Pommier, préfacé par Hubert Reeves.

Le narrateur est un quark qui raconte à un enfant son fabuleux périple qui commence il y a presque 14 milliards d’années lors du Big Bang. Le quark raconte comment il s’est successivement retrouvé à former, avec ses copines particules, des protons puis des atomes agrégés en étoiles, des molécules agrégées en planètes. Il raconte les péripéties vécues par sa molécule d’eau passant par tous les états. Il décrit la collaboration des premières cellules. Il explique comment la coopération des cellules a permis l’édification d’organismes pluricellulaires. La particule élémentaire décrit toutes les émotions intenses qu’elle a rencontrées à chacune de ces grandes étapes de l’histoire de l’Univers. L’émerveillement côtoie l’attente, l’excitation, la joie, la frayeur, le dégoût et l’enthousiasme quand le quark vagabonde de nébuleuses en étoiles, se fait souffler par une super nova, glisse sur une comète, tombe et retombe avec la pluie, se fait avaler par un poisson primitif.

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L’année dernière, Le Quark et l’Enfant nous a permis, avec mes CM, de nous intéresser à l’infiniment petit, à la constitution de la matière, et à la manière dont la matière s’est organisée en structures de plus en plus complexes depuis l’apparition des premières particules élémentaires jusqu’à l’émergence de la vie.
Dans une programmation de sciences, cette œuvre peut servir de bonne transition entre l’astronomie – « la place de la Terre dans le système solaire », dans les programmes – et le thème de la diversité du vivant.

Ce beau poème de Jean-Pierre Siméon pourra permettre de prolonger les réflexions et méditations suscitées par Le Quark et l’enfant :

Coffre à lumières

D’abord il y a l’univers
comme un grenier obscur
sans sol ni plafond
plein d’un silence énorme
et de vents immobiles

dans le grenier un coffre
plein de soleils et de lunes
et du butin des ombres

dans ces ombres vivantes
un cercle coloré
où j’ai mis ma maison

dans la plus haute chambre
le rêve d’un enfant
où grandissent les jours

dans le rêve de l’enfant
toute la lumière
qu’il faut à l’univers.

Jean-Pierre Siméon « Coffre à lumières », La nuit respire, Cheyne éditeur, 1997

 

3 – Les oubliés de Vulcain

 

♪ tapis : Gustav Holst, « Jupiter, Bringer of Jollity », The Planets

Le premier livre que les élèves étudieront cette année en lecture suivie est le roman de Danielle Martinigol, Les Oubliés de Vulcain. Danielle Martinigol a été enseignante et est devenue romancière pour ses élèves. Elle s’efforce de respecter la règle des trois A : Aventure, Amour, Ailleurs (c’est ce qu’indique la deuxième de couverture). J’ajouterais qu’elle suit aussi la règle édictée par Alain Damasio, reprenant les termes de Gilles Deleuze : Affect, Percept, Concept. Dans ce roman, on trouve tout ce qui fait qu’une histoire est prenant : les sensations, les émotions, les sentiments, les concepts, qui tissent un univers dans lequel on prend plaisir à s’immerger. Les Oubliés de Vulcain, c’est de la bonne SF qui reprend plusieurs thèmes emblématiques du genre. Il s’agit donc d’une bonne porte d’entrée pour l’aborder. De la bonne SF aussi selon les principes décrits par Ursula Le Guin (voir l’épisode précédent !) : ce récit reprend et alimente le mythe de l’être humain artificiellement modifié.

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Le roman s’ouvre sur la fête du quinzième anniversaire du héros : Charley. Charley n’a pas de parents, mais des tuteurs qui lui offrent un charat pour fêter l’évènement. Ce charat s’appelle Odilon, et O.Di.Lo.N ça en dit long puisque cela signifie Organisme DIvergent des LOis Naturelles. Cet hybride a été conçu par les tuteurs de Charley, qui sont généticiens pour une organisation appelée l’Usine. L’élément perturbateur survient dès cet événement, lorsque C.H.A.R.L.E.y surprend une conversation qui lui apprend qu’il est, lui aussi, un organisme divergent des lois naturelles. Charley est un être humain génétiquement modifié, conçu pour résister à des environnements hostiles, afin de permettre à l’humanité de coloniser de nouvelles planètes : Cobaye Humain Amélioré Résistant aux Lieux Extraterrestres ; y pour le chromosome masculin. Il est le seul de son espèce.

Sous le choc, Charley décide de fuir ceux qui lui ont menti toute sa vie. Accompagné de son charat, l’adolescent embarque à bord d’une benne à ordures, direction Vulcain, la planète-poubelle. Sur Vulcain sont déversés les déchets produits par l’ensemble des colonies humaines. Charley y éprouvera donc ses particularités, puisque que Vulcain est un environnement très inhospitalier, entre volcanisme intense, autres cataclysmes naturels et pollution due à l’activité humaine et à la production massive de déchets. Sur cette planète, deux castes coexistent : les Ords, qui constituent une sorte de classe bourgeoise mandatée par le gouvernement pour administrer la planète et organiser la gestion des déchets, et les Volcanos, caste opprimée et pauvre dont l’existence n’est même pas reconnue officiellement. Ces Volcanos vivent de peu, de bric et de broc, en récupérant ce qui peut l’être dans les déchets largués vers leurs habitations. Exposée de plein fouet à la pollution, leur santé est précaire. Une maladie mortelle directement liée à cette pollution menace même les Volcanos les plus jeunes. Malgré ces conditions rudes, la solidarité et l’amour soudent les Volcanos, qui ouvrent leurs bras au nouvel arrivant. Charley trouvera ainsi sa place au sein d’une nouvelle famille. Il sera bien sûr confronté à ses poursuivants – on ne laisse pas filer facilement un cobaye de cette valeur – et aux drames inhérents aux conditions de vie des Volcanos.

Ce roman est bien adapté aux élèves de cycle 3 (CM1, CM2, 6e). Il est bien écrit pour cette tranche d’âge : ni trop simpliste, ni trop compliqué. Il est un peu frustrant pour des lecteurs adultes, car les événements s’enchaînent rapidement et l’on s’attarderait bien dans cet univers et aux côtés des ces personnages auxquels on s’attache.
En classe parallèlement à cette lecture, nous travaillerons sur le volcanisme – ce qui correspond dans les programmes actuels au grand thème « La planète Terre – les êtres vivants dans leur environnement. »
En vocabulaire, ce sera l’occasion d’aborder les familles de mots avec une première approche de l’étymologie : Vulcain, volcan, volcanisme, volcanique.

En complément culture et lecture : nous parlerons du dieu Vulcain et de son rôle dans le mythe de Prométhée. Nous pourrons faire le lien entre le mythe de Prométhée et les mythes modernes de la science-fiction, avec par exemple les livres de Hélène Montardre, édités chez Nathan, collection Petites Histoires De La Mythologie.

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D’ailleurs, le site Bout de Gomme propose un excellent dossier sur la mythologie : des fiches de lecture, d’histoire des arts, de nombreuses références bibliographiques accompagnées de très nombreuses fiches de rallye lecture – tout cela plutôt destiné aux CM2.

http://boutdegomme.fr/litterature-la-mythologie-a5560739
http://boutdegomme.fr/rallye-lecture-cycle-3-mythologie-a48808730

Ce sera aussi l’occasion d’aborder en français et en anglais les origines des noms des jours de la semaine et des mois de l’année, avec les dieux romains et les dieux nordiques. C’est quelque chose qui plaît aux élèves et qui les aide bien à retenir les noms des jours et des mois en anglais.

 

4 – Le Monde d’En Haut

 

Le deuxième ouvrage proposé aux élèves en lecture suivie sera Le Monde d’En Haut, de Xavier-Laurent Petit. Après des études de philosophie, Xavier-Laurent Petit exerce le métier d’instituteur, puis devient écrivain.

Par ce roman, on aborde le genre SF post-apocalyptique. L’humanité a été contrainte de se réfugier sous la terre, car la pollution produite par les activités humaines a fini par rendre la surface inhabitable. L’héroïne est une enfant de 11 ans du nom d’Élodie, qui soupçonne son grand frère de faire partie d’une organisation terroriste qui affirme que le gouvernement ment. Selon cette organisation, la surface serait redevenue habitable et il faut libérer l’humanité de sa vie souterraine. Il faut reconquérir le Monde d’En Haut.

Alors là, on est sûr d’être dans les clous : ce roman fait partie de la sélection du ministère. Il figure sur la liste de référence d’ouvrages littéraires pour le cycle 3. Des dossiers pédagogiques et des fiches de séquence sont disponibles sur plusieurs sites, dont une (à l’origine) sur le site de l’éditeur Casterman, mais elle ne semble plus disponible, malheureusement.

Je pense que les jeunes lecteurs et lectrices auront plus de mal à entrer dans l’histoire que pour les ouvrages cités précédemment. C’est moins accrocheur qu’Animorphs ou que Les oubliés de Vulcains, qui, eux, nous offrent des éléments pittoresques et sympathiques qui nous permettent d’adhérer assez rapidement à l’univers et nous plongent dans une ambiance bien équilibrée entre excitation et (ré)confort. Pour Animorphs, on a la bande d’ami·es et la fascination pour les extraterrestres et la découverte d’un pouvoir incroyable. Pour Les oubliés de Vulcain, on a la mignonnitude du charat Odilon – ça n’a l’air de rien, mais c’est important !

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♪ Tapis : Bear McCreary « Something Dark Is Coming », Battlestar Galactica OST

Le Monde d’En Haut s’introduit par des images de chiffres digitaux, des galeries souterraines éclairées par les phares des voitures électriques, par les bruits des machines, le hall d’un collège qu’on devine aussi froid et gris que le reste. Le tir d’un fusil à compression endommage la source artificielle de lumière de la zone du collège. Ce que l’on ressent en premier, et ce qui va dominer durant la majeure partie de l’histoire, c’est l’inquiétude de l’héroïne.

Cet aspect froid et minéral, peu accrocheur de prime abord, est en accord avec le contexte souterrain, sombre, artificiel et post-catastrophe de l’histoire. Le lecteur ou la lectrice se retrouve ainsi logée à la même enseigne que les personnages contraints de vivre dans cette froideur et cette minéralité, coupés qu’ils sont de la surface riche et colorée qu’ont connue leurs aïeux. Cette génération ignore tout de la chaleur du soleil, de la sensualité du vent, de la texture de la terre. Sans divulgâcher, je dirais qu’un évènement crucial viendra apporter du contraste. Je n’en dirais pas plus. Je recommande ce livre pour vos enfants, vos ados ou vos élèves.

 

5 – Les Mange-forêts

 

Nous passons du très minéral au très végétal avec Les Mange-forêts de Kim Aldany, premier épisode de la série Kerri & Mégane. Sous le pseudonyme Kim Aldany se cache – ou plutôt se montre – la collaboration de l’autrice Danielle Martinigol (des Oubliés de Vulcain, donc) et de l’auteur Alain Grousset. À noter qu’avec le troisième compère Paco Porter, ils ont écrit la série de fantasy Lumina, sous le pseudonyme Dan Alpac.

♪ Tapis : Etienne de la Sayette, « Safari Kamer », Kobugi

Les émotions sont au cœur de l’histoire-même puisque le héros de 11 ans, Kirri, est ce que l’on appelle un sensitif – c’est-à-dire une sorte d’empathe, capable de ressentir les émotions d’un animal humain ou non humain. Son pouvoir va plus loi, puisque le garçon peut aussi influencer les émotions d’un animal non-humain. Kerri est capable de toucher, de son esprit, l’esprit des animaux afin de les apaiser et de consoler.

Son pouvoir lui sera très utile dans la quête qu’il va mener pour retrouver ses parents disparus sur Amazonia, une planète-jungle peuplée de petits humanoïdes ressemblant un peu à des lémuriens et des grosses chenilles qui dévorent les arbres sur leur passage, et que l’on appelle les mange-forêts.

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Il s’agit d’un récit plus simple que les précédents, à la fois dans sa forme et dans son fond. Les personnages sont sympathiques sans être très marquants et les péripéties sont assez sommaires. A noter qu’il s’agit du premier tome d’une série, et que l’on peut donc certainement le concevoir plus comme une introduction destinée à présenter les personnages et le contexte que comme une aventure écrite pour elle-même.

Petit bémol : la distinction entre animaux et humains / humanoïdes. Au début du récit, Kerri rencontre un Maroufle – c’est le nom des êtres lémuriformes (c’est plus joli que lémuroïdes…) qui peuplent la planète Amazonia – et il dit qu’il n’a pas pu transmettre des sentiments au Maroufle car le maroufle n’est pas un animal mais un humanoïde. De plus, dans cet univers, une loi interdit d’exploiter une planète si elle est habitée par des humains – synonyme pour « espèces humanoïdes », humanoïdes non dans le sens de leur forme physique mais plutôt de leurs facultés psychiques. C’est très embêtant d’opposer animaux et humanoïdes quand on tâche en classe d’avoir un vocabulaire précis, et que l’on explique aux élèves que les humains forment une espèce animale.

♪♪♪ Pause musicale : Awa Ly, « Come Away With Me », Safe and Sound

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Les livres suivants seront découverts en classe par des lectures offertes et des extraits étudiés en vocabulaire.

 

5 – Momo

 

J’arrive à mon coup de cœur de cette sélection : Momo.

♪ tapis : Howard Shore, « The Shire », Lord of the Rings OST

Momo est un roman de Michaël Ende. Michaël Ende est aussi l’auteur de L’Histoire sans fin que j’aime beaucoup, comme vous le savez si vous avez écouté certains épisodes d’Artborescience. Momo paraît pour sa première édition en 1973, six ans avant L’Histoire sans fin.

Jusque là, étrangement, je n’avais pas pris le temps de m’intéresser à la vie de l’auteur. Il faudra que je vous en touche un mot après avoir donné mon avis et mon ressenti sur Momo.

Le titre complet en est Momo ou l’étrange histoire des voleurs de temps et de l’enfant qui rendit aux gens le temps qui leur avait été volé.

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Couvertures française, britannique (par le grand Chris Riddel), danoise et allemande

L’héroïne est une petite fille sans parents et sans domicile fixe du nom de Momo. Elle vit dans les ruines d’un théâtre antique, en périphérie d’une chaleureuse ville italienne. Momo a un talent précieux : celui de savoir écouter les autres. C’est ainsi que Momo devient l’amie de tous. Les habitants lui rendent visite pour lui apporter leur aide, ou tout simplement pour discuter, réfléchir, contempler les étoiles. Cette petite ville fleurie et ensoleillée est un lieu de rencontre et de partage où l’on prend plaisir à flâner. On y prend naturellement le temps d’accomplir les tâches du quotidien et les gestes de son métier avec soin et plaisir, à l’instar de l’un des meilleurs amis de Momo, le vieux balayeur qui fait du balayage un art méditatif. Discuter avec des amis ne paraît pas moins important que le reste. On travaille pour vivre, on ne vit pas pour travailler.

Malheureusement, ce temps si bien vécu par les habitants de la ville devient la cible de la Banque d’épargne du temps. Les agents de la Banque d’épargne du temps – des hommes gris habillés de costumes gris, cigare à la bouche – parviennent à convaincre les habitants que leur vie est médiocre et que s’ils veulent devenir des gens importants, ils doivent cesser de perdre du temps en tâches inutiles… Et, surtout, ils doivent économiser du temps pour le confier à la Banque d’épargne du temps, qui le fera fructifier.

Plus les gens économisent du temps, plus l’essentiel manque à leur vie. Ils ne prennent plus aucun plaisir authentique à exercer leur métier. On pense alors à ce qui se produit aujourd’hui, aux employés d’Amazon transformés en automates, commandés par des voix artificielles, dans une recherche de rationalisation irrationnelle, démente et déshumanisante… Encore pire que dans Les Temps modernes de Charlie Chaplin. On pense au burn-out, au bore-out, à la perte de sens généralisée. Les personnes âgées deviennent des boulets qu’il faut parquer dans des mouroirs. Les enfants ne sont plus considérés autrement que comme de futurs épargnants du temps.

La ville devient elle-même grise, bruyante et stressante à cause du trafic des gens pressés et inattentifs à leur environnement.

La dolce vita, c’est fini. Avant, chacun·e était important·e, avait sa place, ce qui rendait la vie satisfaisante. Depuis que les gens se sont soumis aux banquiers, autrui devient soit une gêne, un concurrent ou un moyen à utiliser. Je déteste l’expression « taillé pour la course ». Il y a ceux et celles qui, effectivement, ne peuvent pas ou ne veulent pas – à juste titre – entrer dans cette course mortifère. Et ceux-là, comme Momo, deviennent invisibles au yeux des coureurs fous.

Momo échappe à l’emprise des agents de la Banque d’épargne du temps. Elle seule pourra rendre aux habitants le temps qui leur a été volé, et ainsi restaurer leur joie et leur conscience de vivre.

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Statue de la sculptrice Ulrike Enders représentant Momo sur la place Michael-Ende à Hanovre

On trouve ce livre plutôt rangé dans la catégorie fantastique, mais je pense que l’on peut le ranger dans la SF pour plusieurs raisons.

D’une part, parce que la dystopie peut être considérée comme un genre de la SF. Or, Momo décrit le passage d’une société saine à une société malsaine. Cette société, rongée par le délire consumériste, ne constitue plus une communauté mais un amas d’anonymes isolés. Comme toute dystopie, Momo exagérait, dans les années 70, les traits délétères du monde humain afin de les dénoncer et de dénoncer l’ampleur qu’ils pourraient prendre. Dans les années 2020, nous pouvons constater combien ces traits se sont amplifiés dans la réalité, au point que l’emprise des hommes en gris n’a plus rien de fictif.

D’autre part, Momo propose une certaine réflexion sur le temps, qui devient une dimension manipulable. Manipulation de l’espace-temps : thème de SF, indubitablement.

Momo donne à réfléchir autant qu’à rêver. C’est une lecture qui fait du bien, qui effraie par son actualité mais qui aide aussi à cultiver l’espoir.

J’aimerais tellement un jour voir une adaptation de Momo par les studios Ghibli (à prononcer « gibli ») ou les studio Ponoć (à prononcer « ponotch » : ça vient du serbo-croate) : cela s’y prêterait tellement bien ! Ce serait assurément dans mon top 10 films, avec Le Château Ambulant.

A noter qu’il existe déjà un film d’animation adaptant Momo, datant de 2001 et produite par l’italien Enzo D’Alo. Des extraits que j’ai pu voir, les dessins sont assez médiocres (en tout cas pas à la hauteur de ce que le texte donne à imaginer), et l’animation est de piètre qualité. Un film live, que je n’ai pas vu, a été réalisé en 1986 par l’allemand Johannes Schaaf. Michaël Ende lui-même avait adapté son roman pour le théâtre et l’opéra.

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Hayao Miyazaki (Le Château Ambulant), Hiromasa Yonebayashi (Mary et la fleur de la sorcière), Guillaume Lorin (Vanille), Keiichi Hara (Wonderworld). J’en verrais bien un adapter Momo.

♪ tapis : Laurent de Wilde, « MISTERIOSO », New Monk Trio

Maintenant, un mot sur l’auteur.

En rédigeant cet épisode, j’ai été très chiffonnée par des articles lus sur le site de Grégoire Perra. Pour situer : Grégoire Perra est professeur de philosophie et ancien anthroposophe. Il a lui-même suivi sa scolarité dans des écoles Steiner-Waldorf. Il a ensuite enseigné dans de tels établissements. Un jour, prenant conscience de la malsanité de ce milieu, il le quitte et dénonce son caractère sectaire.
L’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (UNADFI) alerte sur les risques d’endoctrinement à l’anthroposophie au sein des écoles Steiner-Waldorf. Un rapport parlementaire de 1999 a qualifié l’anthroposophie de mouvement sectaire. La Miviludes a aussi fait état, à propos de ce mouvement, de risques de dérives sectaires.
G. Perra présente Michael Ende comme un anthroposophe. L’auteur affirme que les œuvres de Michael Ende ne relèveraient pas de la littérature mais du prosélytisme pernicieux.
https://gregoireperra.wordpress.com/2010/12/28/reflexion-sur-la-culmination-anthroposophique-les-evangiles-les-contes-goethe-tolkien-et-la-suite%E2%80%A6/

Grégoire Perra a publié un billet où il accuse Michaël Ende de tentative d’endoctrinement avec Momo. https://veritesteiner.wordpress.com/2016/11/08/momo-de-lanthroposophe-michael-ende/

Comme je n’aime pas trop les délires steineriens, je me suis pris, sur le coup, une bonne douche froide dont j’ai ensuite mitigé la température en me renseignant sur l’auteur et en revenant à mon approche personnelle de ses œuvres.

 

L’auteur

Michaël Ende était le fils d’un peintre surréaliste, dont le travail a contribué a façonné l’imaginaire de l’auteur, et d’une bijoutière qui était toute dévouée à son fils, et qui s’est mise à la peinture sur le tard.
Ses parents s’intéressaient à l’anthroposophie. Aussi le jeune Michaël a-t-il fréquenté les écoles Steiner-Waldorf.
Le site internet consacré a Michaël Ende stipule que « tout au long de sa vie, Michael Ende a été fasciné par les théories philosophiques centrées sur les idées mystiques « . Ses références étaient aussi multiples que la « Chymical Wedding de Christian Rosenkreutz, les manifestes d’Aleister Crowley, les systèmes de croyance indiens et égyptiens, Zen, Kabala, Swedenborg, Eliphas Lévi, Sören Kierkegaard et Friedrich Weinreb ». « Mais il n’aurait jamais pu devenir le disciple de personne : une perspective fermée sur le monde et l’au-delà l’aurait étouffé. Pour Michael, il y avait autre chose qui a pris le pas.
Et ce quelque chose était de l’art. »
« Pour autant qu’Ende puisse en juger, aucun des systèmes philosophiques qu’il a rencontrés n’offrait d’explication satisfaisante sur le sens et le but de l’art ni ne fournissait de modèle sur ce que l’art devrait être. » Il pensait notamment que la conception de l’art de Steiner était erronée.
Or, Grégoire Perra dénonce la fermeture intellectuelle et spirituelle totale des anthroposophes qui jamais ne remettent en question la doctrine de Steiner, dans laquelle ils trouvent une grille de lecture unique du monde et de la vie. Michaël Ende est décrit au contraire comme en recherche perpétuelle de nouvelles conceptions.
Ça, c’est cohérent avec ce que j’ai lu de Michaël Ende. Je n’ai aucun doute quant à l’esprit d’ouverture que l’auteur cherche à promouvoir au travers d’œuvres qui, comme toute œuvre d’art, sont diversement interprétables. Comme toute œuvre poétique, on n’a jamais fini de les comprendre : leur signification n’est jamais épuisée, il n’y a jamais de réponses définitives.

 

L’oeuvre

Je suis quand même allée fouiller pour vérifier que des références pernicieuses ne se cachaient pas dans les œuvres que j’apprécie tant. Je suis tombée sur un article de Jana Hölters, rédigé en allemand, intitulé Michael Endes Kinderliteratur unter dem Einfluss Rudolf Steiners Am Beispiel von « Momo », « Die unendliche Geschichte » und « Jim Knopf » , c’est-à-dire « La littérature jeunesse de Michaël Ende sous l’influence de Rudolf Steiner par l’exemple de Momo, L’Histoire sans fin et Jim Bouton ».

J’ai acheté l’article et je l’ai lu. Avant lecture, j’appréhendais beaucoup : je me suis dit que l’autrice avait peut-être débusqué des myriades de symboles toxiques dissimulés qui allaient me gicler à la figure. Mais pas du tout : c’était même presque décevant tant l’article est pauvre, et la couche d’analyse quasi inexistante. Cependant, cette lecture m’a surtout rassurée. Elle m’a confortée dans ce que je présumais à partir de mes propres souvenirs : il y a peut-être une influence lointaine – dont on peut certes soupçonner l’existence en raison de la vie de l’auteur – mais on n’y trouve certainement pas de références ni d’influence directe, manifeste, suffisamment claire et précise pour pouvoir être attribuée à l’anthroposophie. Les éléments des romans présentés par l’article sont tellement vagues, tellement généraux et même tellement banals qu’avec un tel procédé, on pourrait qualifier d’influencée par Steiner à peu près n’importe quelle œuvre qui exalte l’imagination ou interroge notre rapport au mondes réel et imaginaire.

Michaël Ende avaient de multiples influences, références et sources d’inspiration. C’est donc très tiré par les cheveux de voir du prosélytisme dans ses romans. Il faut être déjà bien obsédé par Steiner pour cela. En fait, chacun pourra y retrouver ses propres références. Par exemple, pour ma part, les fleurs du temps de Momo m’ont rappelé la durée de Bergson. Quant à L’Histoire sans fin, j’ai surtout assimilé ce voyage initiatique entre monde réel et monde imaginaire au chemin d’individuation de C.G. Jung et à sa méthode d’imagination active.

Je mettrai les liens vers divers articles qui vous permettront de vous faire votre propre opinion.
Je vous invite à découvrir d’abord cette petite perle de Momo en essayant d’écarter les a priori, puis à juger par vous-même si Momo est une œuvre qu’il faut faire découvrir ou non.

Pour moi, Momo, c’est de la bonne littérature. Momo est un récit intelligent qui suscite la réflexion et l’émerveillement. Il est éloquent sur notre monde malade de surconsommation et il nous invite à retrouver notre capacité à habiter notre présent. Il nous invite à être présents à notre vie, à être authentiquement présents, présents pour les autres. C’est une perle à découvrir, quel que soit votre âge !

Pour une lecture autonome, je pense que Momo est abordable à partir du CE1 ou du CE2 – à partir de 7, 8 ans – pour d’assez bons lecteurs.

Maintenant, nous allons virer à 180° pour mettre le cap sur des ouvrages d’inspiration bien plus terre à terre, qu’ils nous fassent voyager au travers des nuages ou dans l’espace interplanétaire : du scientifique brut avec deux romans qui sont d’abord des récits à visée didactique.

 

7 – Georges et les secrets de l’Univers

 

♪ tapis : St Germain, « Deep in it », Boulevard

Si vous étudiez le système solaire avec vos CM, Georges et les secrets de l’Univers est fait pour vous !

Georges vit avec ses parents un poil « néotechnophobes » dans une maison rustique à l’équipement très rudimentaire. Georges s’ennuie un peu car il n’a pas accès aux mêmes divertissements que les autres enfants de son âge, tels que la télévision et les jeux vidéos. En partant à la poursuite de son cochon fuyard, Georges fait la rencontre de ses voisins farfelus : Eric le scientifique et sa fille Annie. Grâce au super-ordinateur d’Eric, nommé Cosmos, Georges et ses nouveaux amis vont pouvoir explorer les trésors du système solaire et même de l’espace plus lointain recelant des mystères fascinants. Ainsi, les lecteurices sont amené·e·s à découvrir les joyaux de notre système solaire ainsi que des exoplanètes, l’étrangeté des trous noirs et la beauté des nébuleuses aux confins de notre galaxie.

Le récit est surtout un prétexte à ces découvertes. Il reste toutefois bien construit avec des péripéties prenantes, des problèmes et des antagonismes à résoudre. Les personnages sont attachants et suscitent plutôt bien l’identification.

Je n’adhère pas trop au fonds idéologique technolâtre du récit, mais il a le mérite d’ouvrir la possibilité d’une réflexion, d’une critique et de discussions riches avec vos enfants ou vos élèves.
On reconnaît ainsi la patte de feu Stephen Hawking, puisqu’il était co-auteur de ce roman pour enfants avec sa fille Lucy Hawking.

Stephen et Lucy Hawking ont offert des suites à Georges et les secrets de l’Univers afin de poursuivre l’exploration des beautés inépuisables de l’espace : Georges et les trésors du Cosmos, Georges et le Big Bang, Georges et le code secret, Georges et la lune bleue.

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7 bis – Le voyage de Terre

 

J’en profite pour vanter les mérites d’une bande dessinée très mignonne qui fait rencontrer aux enfants les protagonistes astronomiques de notre voie lactée : Le Voyage de Terre, de Willow. La Terre et son acolyte la Lune décident de partir en voyage au-delà du système solaire. Sur leur chemin, elles rencontreront des comètes commerciales, des étoiles ogresques et des trous noirs surprises, tous représentés sous des traits kawaii et humoristiques. La fin du livre propose quelques pages documentaires.

 

8 – Le Prince des Nuages

 

Une autre histoire à visée didactique : la trilogie Le Prince des Nuages, écrite par Christophe Galfard, éminent astrophysicien, très bon vulgarisateur et affable personne qui a travaillé sur les trous noirs aux côtés Stephen Hawking. Comme son titre l’indique, Le Prince des Nuages ne va pas nous entraîner dans les profondeurs obscures de l’espace interstellaire, mais plutôt dans les formes gracieuses de notre atmosphère.

Sur la forme, Le Prince des Nuages ressemble aux Georges : il s’agit d’un récit assez classique (pour le premier tome tout du moins) entrecoupé d’encarts documentaires et agrémenté de quelques bien jolies illustrations en noir et blanc. Comme les Georges, les livres proposent en leur milieu des pages en papier glacé avec de beaux clichés en couleur.

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Le récit mêle des aspects fantasy et science-fictifs. Le jeune Tristam part à l’aventure pour sauver son amie Myrtille – qui n’est rien de moins qu’une princesse – à travers des villes construites sur les nuages grâce à une technologie fondée sur la météorologie. Myrtille, fille du roi des Nuages du Nord, a été enlevée par un tyran qui compte dominer le monde grâce à une arme climatique.

J’ai la chance d’en avoir un exemplaire dédicacé par l’auteur, que j’ai eu le plaisir de d’entendre à Clermont-Ferrand lors d’une conférence en 2016. Quelle écriture charmante <3

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9 – Scarlett et Novak

 

♪ tapis : Bear McCreary « Something Dark Is Coming », Battlestar Galactica OST

Nous nous éloignons maintenant de la tranche d’âge visée précédemment afin de dire un mot à propos du dernier livre d’Alain Damasio (et son premier destiné à la jeunesse) : Scarlett et Novak, édité chez Rageot.

Le pitch même de cette nouvelle en dévoile presque toute la teneur : « Il veut la sauver. Mais le danger, c’est elle. » Il, c’est l’adolescent Novak. Elle, c’est Scarlett, l’intelligence artificielle du brightphone de Novak. Le texte, très court, commence par une course effrénée. Novak fuit ses poursuivants mal intentionnés. Dans sa fuite, Novak est assez mal accompagné par la voix de Scarlett.

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J’attendais trop du livre, donc j’ai été déçue. En particulier par son extrême concision. Je l’ai davantage apprécié à la deuxième lecture. Les angles d’attaque et les ouvertures offertes sont multiples quant aux discussions qu’il peut déclencher. Une des exploitations pour la classe serait d’imaginer une suite à l’épilogue, qui permettrait aux élèves d’interroger leur propre rapport à leur environnement numérique et à leur environnement immédiat nettoyé du numérique… à envisager avec des grands collégiens ou des lycéens.

En raison de certaines allusions, cette œuvre n’est pas du tout adaptée aux enfants de moins de 13 ou 14 ans. Sa lecture exige une certaine maturité et nécessite qu’au préalable certains sujets aient été abordés avec les parents ou avec les enseignants.

Cela est dommage, parce que le thème de l’emprise du numérique sur nos esprits, sur notre capacité d’attention, sur notre disponibilité ; l’omniprésence du smartphone dans le quotidien, l’impact des réseaux sociaux… tout cela doit être abordé avec les enfants au moins à partir de 9-10 ans, voire avant si les enfants y sont très exposés. C’est en tout cas un sujet qu’il convient de traiter avec les CM, et Scarlett et Novak s’y serait bien prêté s’il n’y avait eu les écueils évoqués.

 

10 – His Dark Materials

 

♪ tapis : Benjamin Britten, Playful Pizzicatto … J’ai perdu les références plus complètes de l’enregistrement.

Une trilogie culte à découvrir ou redécouvrir à 11, 12, 16, 30 ou 90 ans, c’est bien sûr His Dark Materials – A la croisée de mondes – de Philip Pullman. Sa richesse rend recommandable voire indispensable plusieurs relectures à quelques années d’intervalle – cela a été le cas pour moi, du moins.
Lyra vit à Oxford, mais dans le Oxford d’un autre monde. Dans ce monde qui ressemble au notre, chaque humain est accompagné d’un daemon. Cet être de forme animale, inséparable de son humain, est une manifestation physique de l’âme de celui-ci.

Dans le monde de Lyra, la géographie, les cultures, les civilisations sont similaires à celles de notre monde ; similaires seulement. Ce monde humain est superposable au nôtre, mais les pays ont des noms différents, et les sociétés ont connu des évolutions différentes. Le monde de Lyra frôle avec le steampunk. L’énergie électrique – appelée énergie ambarique – est relativement peu répandue. L’humanité est restée sur le seuil de la civilisation thermo-industrielle. On utilise encore des lampes à naphtes – des lampes à l’huile, par exemple.
C’est aussi un monde où les êtres humains ne sont pas la seule espèce capable de parler le langage humain et de fabriquer des armes, un monde où les ours peuvent faire la guerre avec les hommes, où les sorcières constituent un royaume puissant en harmonie avec son environnement.

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Des êtres ont découvert le moyen de voyager entre ce monde et le notre, et vers d’autres mondes encore – vers des terres parallèles où les sociétés humaines voire l’arbre du vivant lui-même ont évolué autrement. Ce qui unit entre eux tous ces mondes, outre les portails ouverts, c’est une particule mystérieuse. Cette particule est liée à la question des rapports entre matière et esprit. Dans His Dark Materials, où fantasy et science-fiction se mêlent, la physique répond à la métaphysique.

Selon l’âge auquel nous découvrons l’œuvre, et selon notre personnalité, nous serons davantage fasciné·e·s par l’originalité de l’univers, les rebondissements de l’aventure, le charisme des personnages, ou bien par les interrogations métaphysiques, les réponses à ces questions et les nouvelles interrogations qu’elles ne manquent pas de susciter.

La très bonne série télévisée, dont la saison 3 sortira l’année prochaine, n’est pas adaptée à un public de moins de 12 voire 13 ans.

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Quant à la nouvelle trilogie de Philip Pullman dans le monde de Lyra, la Trilogie de la Poussière, elle s’adresse plutôt aux adultes. Ses deux premiers tomes, La Belle Sauvage et La Communauté des Esprits, nous montrent que la Poussière et les daemons demeurent une source foisonnante d’émerveillement autant que de conflit. Quant au titre du troisième roman que l’on attend impatiemment, on sait juste qu’il aura un rapport avec les roses.

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Je ne vais pas m’attarder davantage sur l’univers de His Dark Materials puisque deux émissions devraient lui être consacrées. Elles auraient dû conclure la saison 2 de l’émission, mais les plans ont été contrariés.

Mais ce ne sera que pour le mois de décembre voire encore plus tard. La prochaine fois que nous nous retrouverons, le mercredi 6 octobre, ce sera pour l’interview de l’artiste peintre Yves Audigier. J’ai eu le plaisir rencontrer Yves Audigier en juillet lors de son exposition à Murat le Quaire au musée de la Toinette pour parler de son Livre des Portes, le plus grand livre d’art du monde.

♪ en fin d’émission : « Binks no Sake », le rhum de Binks, de la série One Piece : d’abord la version française de la chanson telle qu’on l’entend dans la série, puis la reprise au violon de Taylor Davis

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